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Pour Samuel Mayol, c’est un soulagement. Pour Jean-Loup Salzmann, un sérieux revers. Le premier, directeur de l’Institut universitaire de technologie (IUT) de Saint-Denis, va pouvoir reprendre son poste, huit mois après en avoir été suspendu par le second, alors président de l’université de Paris-XIII Villetaneuse, avec lequel Samuel Mayol était en conflit ouvert depuis des mois, accusé de « manipulation islamophobe » et de « conflit d’intérêts ».

La commission disciplinaire de l’université de Bordeaux a décidé le 29 juin de le relaxer. Les faits n’étant pas établis. Cette décision ouvre donc la voie au retour à ses fonctions. « Je respecte ce jugement et ne vais pas faire appel, indique au MondeJean-Pierre Astruc, élu depuis président de Paris XIII – qui a la tutelle de l’IUT –. Je suis en train de rédiger l’arrêté de réintégration de M. Mayol, en souhaitant que cet établissement reprenne son activité d’enseignement et de recherche dans la sérénité. »

Depuis octobre 2014, les relations entre Samuel Mayol et Jean-Loup Salzmann n’ont fait que s’envenimer. A l’époque, fervent défenseur de la laïcité, le directeur de l’IUT ordonne la fermeture de la salle occupée par l’association d’étudiants musulmans L’Ouverture. Sans succès. Quelques mois plus tard, après une alerte à la bombe dans son établissement, il avait révélé que la police avait trouvé une vingtaine de tapis de prière dans ce local.

Menaces de mort

Parallèlement, Samuel Mayol découvre de graves dysfonctionnements au sein du département de techniques de commercialisation de l’IUT et entre en guerre avec son responsable, qui a depuis été partiellement blanchi. Celui-ci était soupçonné d’avoir facturé des heures de cours fictives et d’avoir inscrit à l’emploi du temps des disciplines hors programme. De leurs côtés, les étudiants s’inquiétaient de la qualité des études : absence de relations avec les directeurs d’études, emplois du temps modifiés sans arrêt, annulations de cours, changements d’enseignants sans explication… Malgré deux pétitions, ils sont ignorés.

A partir de ce moment, début 2014, mais sans qu’aucun un lien ne puisse être établi, M. Mayol reçoit de nombreuses menaces de mort. Il est aussi victime de deux agressions physiques. Les auteurs n’ont jamais été identifiés.

Ses relations avec Jean-Loup Salzmann se sont envenimées. M. Mayol reprochant à son président le manque de soutien dans l’adversité. Un rapport de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR), d’avril 2015, lui donne raison, critique la gestion du dossier par Jean-Loup Salzmann, lui reprochant son inaction et recommande « de renforcer la vigilance à l’égard des associations d’étudiants telles L’Ouverture qui, sous couvert de vente de produits alimentaires [sandwichs hallal], font du prosélytisme religieux ».

Gestion « affective »

En novembre 2015, le président de Paris-XIII suspend Samuel Mayol de ses fonctions avec interdiction de se présenter dans les murs. Le suspectant d’avoir déposé des tapis des prières dans le local de L’Ouverture afin d’accréditer une dérive communautariste dans l’établissement, il dépose une main courante au commissariat d’Epinay-sur-Seine et saisit la commission disciplinaire interne de l’université. Puis, un second rapport de l’IGAENR de mars 2016, vient critiquer, cette fois, la gestion « affective » de l’IUT par M. Mayol et souligne le fait que sa suspension y a permis le retour à une situation apaisée.

Le 29 juin, au terme de cinq heures de débat, la section disciplinaire de l’université de Bordeaux – où le dossier avait été dépaysé à la demande de Samuel Mayol qui avait invoqué les fortes tensions avec sa tutelle – a relaxé le directeur de l’IUT de trois des quatre motifs pour lesquels elle était saisie. Il était accusé d’avoir favorisé son épouse dans l’attribution d’un marché de formation professionnelle mais aussi d’avoir mis en place un système occulte pour octroyer des jours de congé à son personnel et d’avoir clandestinement introduit les fameux tapis de prières dans la salle de L’Ouverture. Pour ces trois motifs : la section disciplinaire a indiqué que « les faits ne sont pas établis » et qu’« aucune faute ne peut être imputée à M. Mayol ».

« Enfin ! Cela fait huit mois que je clame mon innocence et que je dois supporter les calomnies sur les réseaux sociaux, où l’on me traite de “manipulateur islamophobe” », lance M. Mayol. J’ai enfin été entendu et j’ai hâte de reprendre le travail. » Sollicité, Jean-Loup Salzmann n’a pas souhaité commenter « une décision de justice ».

« Dans le contexte actuel, je considère que la mise en cause, par M. Salzmann de M. Mayol a mis ce dernier en danger. Sa photo a été publiée sur des sites salafistes », accuse de son côté Florent Tétard, délégué syndical SneSup, maître de conférences à l’IUT et soutien de Samuel Mayol.