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Faut-il assister, quelques années après son abolition au retour du délit de blasphème ? Aura-t-il suffi qu’un groupe de fanatiques hausse le ton, pratique couramment la menace de mort sur les réseaux sociaux pour que les belles résolutions du législateur dans la défense de la liberté d’expression soient à nouveau remises en cause ?

Les faits sont pourtant assez simples et limpides : une adolescente, Mila, s’en prend violemment sur Instagram, à une religion qu’elle exècre (c’est son droit), en réponse aux propos harcelants d’un dragueur plutôt insistant. Aussitôt déferlent sur elle des insultes sexistes et menaces de mort que certains trouvent justifiés. Pourtant, les propos de Mila n’étaient pas un appel à la haine de qui que ce soit, elle n’a pas contrevenu à la loi. Mais voilà que certains voudraient la faire passer de victime à coupable. Au lycée, les reproches pleuvent, elle ne peut plus s’y rendre, un porte-parole du CFCM déclare : «Elle l’a cherché, qu’elle assume», pire, le procureur de la République de Vienne a jugé opportun d’ouvrir aussi une enquête contre elle pour «provocation à la haine religieuse».

La liberté d’expression est pourtant, à l’évidence la liberté de dire ce que certains approuveront et qui peut-être en choquera d’autres. Mais cela déplaît aux censeurs qui voudraient interdire de parole tous ceux qui ne partagent pas leur avis et pratiquent couramment l’intimidation, les insultes et les menaces de mort. Soutenus et encouragés en cela par ceux qui par peur ou par lâcheté, épousent leur point de vue, pour ne « pas faire de vagues ».

Pourtant c’est la démocratie elle-même, derrière la liberté d’expression, qui est attaquée et c’est bien elle qu’il faut défendre sans concession aucune ou renonciation aux libertés qu’elle garantit.

N.B. Nous prenons acte de la rectification tardive opérée par Madame Belloubet, garde des sceaux. Elle était parfaite sur le fond, mais arrivait si tard…

Martine Cerf

Lire la lettre d’EGALE à Mme Belloubet

Lire la Tribune : «Affaire Mila: prétend-on créer un délit de blasphème dans le droit français?», parue dans le Figaro du 28 /1/2020

Lire la réflexion de Catherine Kintzler sur Mezetulle : « It hurts my feelings »