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112 ANS APRÈS

MACRONISME ET LAÏCITÉ : QUELLE COMPATIBILITÉ ?

 

Une approche du macronisme sur la laïcité est d’actualité à l’heure où le Président consulte pour déterminer les initiatives qui dans le cadre de ce principe devraient marquer son quinquennat. Un petit retour en arrière peut éclairer le lecteur.

Baptisé à sa demande à l’âge de 12 ans, passé par le lycée jésuite de la Providence d’Amiens, le Président Macron  se dit agnostique, mais « réceptif à la transcendance de nos vies ». Son escapade à la basilique de Saint-Denis, la nécropole où sont inhumés les rois de France le jour de sa candidature à la Présidence en a surpris plus d’un. Plus récemment son acceptation du titre honorifique de chanoine de St Jean de Latran[1] conféré par le Vatican a aussi désagréablement étonné ceux qui pensaient que le Chef d’État était le protecteur de nos institutions constitutionnelles et donc de la laïcité.

Afin d’objectiver nos observations,  rappelons quelques  propos  d’Emmanuel Macron au sujet de la laïcité.

Avant l’élection présidentielle

Au cours de la campagne, le candidat a esquissé l’idée d’une laïcité inclusive. Cette conception  aussi philosophique que politique – est  notamment le fruit de discussions avec Gérard Collomb et plus substantiellement la résultante de l’influence de Paul Ricœur sur la pensée et la posture du Président[2]. La formule consacrée à la laïcité dans « Révolution »,  livre-programme de Macron, est pesée au trébuchet. « La laïcité est une liberté avant d’être un interdit, écrit le candidat. Elle est faite pour permettre à chacun de s’intégrer […] Comment peut-on demander à nos concitoyens de croire en la République si certains se servent de la laïcité, pour leur dire qu’ils n’y ont pas leur place ? »

Après l’élection

Puis Macron devint président… et les mots évoluent. Le chef de l’État place au cœur de sa diplomatie la lutte contre «le terrorisme islamiste». Un «défi d’ordre civilisationnel», dit-il lors de la présentation de sa loi antiterroriste le 18 octobre 2017. Le président assume, dès lors, de mener un «combat autoritaire». Dans son entourage on prétend : «Toutes ces questions, ça n’était pas son univers au départ, il a pris conscience qu’il fallait bouger». On entend aussi: «Il n’a rien à voir avec la gauche communautariste ou islamo-gauchiste. Il est très dur avec elle.» Les exégètes de la pensée présidentielle affirment que Macron n’a aucune raison de s’affronter avec l’islam et qu’il fait en sorte de ne pas faire de différences entre les religions et à ne pas créer de fractures.

Sur ces sujets il semble avoir la volonté de rester sur une ligne de crête qui manque encore de lisibilité parce qu’elle oscille entre bienveillance et autorité. La manière dont il manie l’histoire et le spirituel a de quoi interpeller. Quel est ce président qui se dit «attaché à laïcité» autant qu’au divin ? En effet Emmanuel Macron devait prononcer un discours sur ces questions pour le 112e anniversaire de la loi de 1905, ce 9 décembre. Peine perdue ou du moins entreprise remise à plus tard !

Au lieu et place le tout nouveau délégué national de LREM Christophe Castaner, qui souhaite « ramener les intellectuels à l’intérieur des partis », a lancé dans le parti présidentiel un groupe de travail sur ce thème et entend trouver un positionnement « entre Jean-Louis Bianco« , qu’il juge « un peu trop laxiste » et Manuel Valls, qui, lui, tiendrait des propos « un peu trop guerriers. » Emmanuel Macron a-t-il donc arrêté sa position de son côté ? Non, pas encore, si l’on en croit le secrétaire d’État chargé des Relations avec le Parlement, qui assure qu’il continue à consulter des intellectuels et des experts sur le sujet.

En résumé, le chantier laïcité du Président serait encore ouvert. À nous de mobiliser nos forces, de valoriser nos compétences et de nous faire entendre afin que la laïcité imprime davantage toutes les actions de ce quinquennat.

Bernard FERRAND

Vice-Président d’ÉGALE

 

[1] Cette tradition remonte à Louis XI, en 1482, et avait été renouvelée en 1604 par Henri IV . Sous la Vième République le général de Gaulle en 1967, Valéry Giscard d’Estaing en 1978, Jacques Chirac en 1996 et Nicolas Sarkozy en 2007 s’étaient rendus à Rome pour prendre possession de ce titre. Ce que n’avaient fait ni Georges Pompidou, ni François Mitterrand, ni François Hollande.

 

[2] Macron par Ricoeur de Pierre Olivier Monteil Ed : Lemieux

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