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Sous couvert de bonnes intentions, à savoir réguler l’islam de France, le président Macron souhaite modifier la loi de 1905. Mais prudence, il pourrait, ce faisant, ouvrir la boite de Pandore et mettre à mal des principes fondamentaux contenus dans la loi de séparation. ÉGALE alerte sur les possibles conséquences des mesures préconisées.

1. Les mesures envisagées :

Le 5 novembre, l’Opinion révélait un avant-projet du gouvernement pour modifier la loi de 1905. Nicole Belloubet, garde des Sceaux, interviewée le matin même sur France Inter n’a pas démenti. Au menu, comme l’explique fort bien le Journal du Dimanche, la mise en place d’un label pour les associations religieuses et un meilleur encadrement des financements. Seuls seraient concernés les articles de 18 à 36, soit le régime des cultes, avec 6 propositions phare.

Mise en place d’un label d’état pour les associations religieuses ; Selon L’Opinion, l’état pourrait décerner une « qualité cultuelle » aux associations afin d’éviter qu’elles ne soient régies par la loi 1901 sur les associations. Ce label, d’une durée de cinq ans,  pourrait être retiré en cas de manquement.

Les subventions publiques adaptées et la comptabilité analysée. Il existe des exceptions concernant le financement des cultes, les édifices publics datant d’avant 1905 ou le patrimoine classé monument historique pouvant y avoir recours. Le gouvernement pourrait intervenir également en cas de « réparations et rénovation énergétique » des édifices religieux. En contrepartie, la comptabilité des associations religieuses devrait être transparente et soumise à l’analyse de la Cour des comptes. Des amendes de 9.000 euros s’appliqueraient en cas d’infraction.

Un contrôle des financements de l’étranger. Pour limiter les financements étrangers et leur influence notamment sur l’islam, « tout don dépassant 10.000 euros et provenant d’un Etat, d’une entreprise ou d’un particulier étrangers devra faire l’objet d’une déclaration. Pour les seuls Etats, une déclaration devra être également faite en cas de dépassement d’un plafond de 10.000 euros sur une année. Un don non-déclaré pourrait alors imposer à une association une amende égale au quart de la somme en question. » explique le JDD

Des revenus locatifs permis pour les cultes. Afin de diversifier leurs ressources et d’optimiser leur autonomie, les associations religieuses pourront enfiler la casquette de propriétaire bailleur.

Empêcher les « prises de contrôle inamicales ». « Dans l’idée d’empêcher certaines structures de tomber entre de mains « inamicales », selon le texte du gouvernement, une disposition « antiputsch » serait créée. Il s’agirait d’un outil juridique afin d’empêcher notamment « la captation de l’enceinte culturelle par des prédicateurs radicaux », en insistant sur la nécessité d’une délibération collégiale en cas de changement des statuts ou de cession d’un bien. » confie le JDD

Une police des cultes renforcée. Les infractions des prédicateurs religieux seraient mieux surveillées et réprimées  grâce à la « police des cultes ». « Inciter directement autrui à ne pas respecter les lois ou les ordres de l’autorité publique » pourrait ainsi être à l’avenir passible de 12.000 euros d’amende. Une entrave à l’exercice du culte par des menaces, d’un an de prison et de 15.000 euros d’amende, etc.

2. Les alertes d’ÉGALE sur les possibles conséquences

ÉGALE s’inquiète des dérives possibles de ces modifications d’une loi qui est le fondement de la laïcité à la française et s’en explique point par point. Dans une note du 6 novembre 2018, Martine Cerf demande que soient mises en œuvre des mesures qui  garantiront l’application de la police des cultes

Mise en place d’un label d’État pour les associations religieuses. Le label d’État existe déjà. C’est le statut de 1905 pour les associations cultuelles. Ce qui est prévu consisterait à le rendre obligatoire pour toute association responsable de l’exercice d’un culte et soumis tous les cinq ans à un agrément de l’État.

ÉGALE demande depuis longtemps que toutes les associations cultuelles soient constituées sous le statut de 1905 et cette mesure y répondrait. Le contrôle exercé par l’État est sans doute souhaitable dans le cadre de la prévention de la radicalisation, mais il paraît délicat de l’imposer à toutes les associations cultuelles dont l’écrasante majorité ne justifie pas ce contrôle.

L’adaptation de subventions publiques et surveillance de la comptabilité des associations cultuelles. Véritable gabegie, les subventions pour « réparation et rénovation énergétique » des édifices religieux pourraient conduire à un détournement de l’argent public en faveur de tous les édifices religieux. Les communes doivent déjà financer l’entretien des églises construites avant 1905, une part souvent démesurée de leur budget pour les plus petites d’entre elles. Or le gouvernement se déchargera très probablement sur elles pour la mise en œuvre de cette mesure.

Il n’est pas acceptable de charger ainsi les budgets communaux, qui devront alors arbitrer pour trouver l’argent ailleurs. En particulier cela rentrerait en concurrence avec les fonds alloués aux écoles. Nous demandons que le gouvernement privilégie l’éducation de tous plutôt que l’exercice du culte de quelques-uns.

Le contrôle des financements de l’étranger. Le constat que certains fonds étrangers (Arabie Saoudite, Qatar, Turquie) induisent des fonctionnements discutables dans certaines mosquées où les prêcheurs attaquent frontalement la République, ses valeurs et ses lois, est un fait acquis. Mais cette mesure risque fort d’être inefficace aujourd’hui, dans la mesure où les salafistes, les wahhabites, les frères musulmans… et autres tendances rigoristes sont déjà implantées sur notre sol. Les prêches concernés sont aussi le fait d’imams français rémunérés par une association cultuelle musulmane française. S’il apparaît qu’il est un peu tard pour prendre cette mesure, elle peut garantir un peu mieux l’avenir.

Les revenus locatifs pour les associations cultuelles. Cette ouverture accordée aux associations cultuelles de disposer de revenus locatifs peut éventuellement s’envisager à la condition expresse que cela ne donne lieu à aucune subvention indirecte de l’État sous la forme d’avantages fiscaux inhérents au statut de 1905. On peut citer par exemple : la réduction de l’impôt sur le revenu, l’exonération des droits de mutation, les exonérations de taxe foncière, l’exonération locale de la taxe d’équipement…

Si on n’était pas vigilant à cela, cette mesure reviendrait automatiquement à faire financer par l’argent public l’acquisition et le fonctionnement de ces immeubles de rapport.

Empêcher les « prises de contrôle inamical ». Cette mesure de prudence nous paraît souhaitable, mais pour l’instant nous manquons d’informations sur les modalités pratiques.

Renforcer la police des cultes. Les mesures annoncées consistent à renforcer les amendes infligées en cas d’entrave à l’exercice d’un culte ou d’infraction de certains prédicateurs religieux. On sait aujourd’hui que cette partie de la loi de 1905 n’est tout simplement pas appliquée systématiquement. Il n’apparaît pas clairement qu’alourdir les amendes serve à quelque chose. Le problème que nous rencontrons aujourd’hui est un défaut d’application de la loi et non pas une insuffisance de son contenu.

Martine Cerf