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Le sentiment identitaire alsacien est largement partagé par la population, quelle que soit la position politique de chacun. C’est pourquoi les mouvements qui se réclament le plus fortement de ce sentiment autonomiste voire indépendantiste, font régulièrement des scores non négligeables aux élections.

Un sentiment identitaire exacerbé

La dernière réforme régionale, avec l’intégration de l’Alsace dans un énorme GRAND EST a exacerbé ce sentiment (d’autant plus que l’Alsace, « riche » est volontiers méprisante vis-à-vis de la Lorraine et de Champagne-Ardenne)  … L’image ci-dessous, placardée à Strasbourg lors des dernières régionales avec des jeunes femmes arborant les couleurs de l’Alsace, de l’Allemagne et de la Suisse alémanique témoigne d’une volonté de s’agglomérer avec les régions limitrophes pour constituer une « région d’Europe ».

Une volonté de pérenniser le droit local

La plupart du temps, les Alsaciens « annexent » le département de la Moselle uniquement pour renforcer leurs revendications sur la pérennisation et l’adaptation nécessaires du « Droit local ».

Dans ce contexte, l’annonce gouvernementale d’une révision constitutionnelle qui accorderait certaines satisfactions à la Corse et un « droit à la différenciation » pour toutes les régions, a entraîné un lobbying intense des élus alsaciens. L’appui du secrétaire général de l’Élysée (Alexis Kohler, lui-même alsacien) n’a pas été négligeable. Ils ont obtenu la présentation en juillet 2018 d’un « amendement gouvernemental » au projet de loi de réforme constitutionnelle, amendement qui permettrait de contourner les décisions du Conseil constitutionnel et donc de faire évoluer plus ou moins librement le droit local. Ce dernier perdrait son caractère de droit historique provisoire, ce qui donnerait peu ou prou à l’Alsace et à la Moselle un droit territorial indépendant…

Un exercice limité pour le gouvernement

Conscient malgré tout d’ouvrir un peu la boîte de Pandore, le Président Macron et le gouvernement croient pouvoir calmer le jeu en n’offrant qu’une partie de leurs revendications aux élus régionaux, en espérant satisfaire leur « désir d’Alsace » sans cesse mis en avant.

Fusionner les deux départements, accorder quelques prérogatives non négligeables mais pas essentielles, et surtout affubler la nouvelle entité d’un titre ronflant : « Communauté européenne d’Alsace », (contre l’avis du Conseil d’État), serait selon le gouvernement suffisant.

Les limites de l’exercice sont cependant clairement annoncées : la nouvelle entité, malgré son titre, reste un DÉPARTEMENT et ne sort pas de la région Grand Est… D’où le mécontentement des plus « identitaires » parmi les Alsaciens et aussi parmi les élus « Les Républicains » qui cherchent des motifs pour s’opposer au pouvoir…

Des réactions vives dans la Région Grand Est

Les autres composantes de la région Grand Est s’inquiètent du poids potentiellement plus important de l’Alsace dans la région et les idées, les ballons d’essai, fusent ; le président de Meurthe-et-Moselle a proposé par exemple la fusion de son département avec les autres départements lorrains dont la Moselle… Refus de la Moselle. D’autres propositions sont avancées… Toutes envisagent que les concessions accordées à l’Alsace soit étendues aux autres départements, avec ou sans fusion… Le président de la Moselle multiplie les gestes plus ou moins symboliques avec la Sarre voisine et revendique lui aussi une qualification « européenne » …etc. etc.

Enfin, il n’est pas exclus que d’autres régions de France qui suivent attentivement le dossier voudront éventuellement être « servies » elles aussi !

Le vote des parlementaires : une double incertitude

La question essentielle qui se pose à présent est de savoir quelle sera l’attitude des différents groupes au Parlement et quelle liberté de vote sera accordée à leurs membres, étant donné qu’ils sont tous assez divisés sur ce dossier. Deux votes restent incertains : le vote du texte sur la création de la nouvelle entité alsacienne, actuellement discuté au Parlement et plus tard, celui de la réforme constitutionnelle…

Michel Seelig