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On trouvera ci-après une présentation synthétique de fiches élaborées à la fin de l’année dernière par le Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins de la Haute Garonne (CDOM 31), issues des travaux d’un groupe de réflexion sur la laïcité autour des représentants des principaux cultes et des usagers, de l’ARS (référent Laïcité) et de l’Espace de Réflexion Ethique Midi-Pyrénées (EREMIP). D’autres institutions se sont jointes à la démarche pour la réalisation ou la diffusion (CROM, FHP, FHF, CSDU-CRSA…). Objectif général : lever les incompréhensions existant entre les patients et les soignants, et ainsi améliorer la communication.

À la lecture de ces fiches, ce qui frappe d’abord c’est la retenue, le sérieux, l’équilibre, l’humanisme fondé en droit et en raison de leurs analyses et préconisations. Leur modestie aussi : « les fiches, se référant à des situations réelles rencontrées par des soignants et des usagers de santé, ont été discutées collégialement. Ce sont des documents volontairement synthétiques et donc non exhaustifs, et tous susceptibles d’être améliorés ; tous commentaires, demandes de précision ou corrections pourront être adressés au CDOM 31 (haute-garonne@31.medecin.fr), ainsi que toute interrogation pouvant générer la rédaction d’un nouveau document sur une situation non encore évoquée. Ces fiches ont pour vocation d’être régulièrement réactualisées et consultables dans leur dernière version sur le site du CDOM 31 (www.ordmed31.org/). »

On est donc ici à des années-lumière des emportements calculés d’un Marwan Muhammad, alors porte-parole du CCIF, s’indignant à la tribune d’un colloque de l’IRIS (14 novembre 2013) qu’à l’hôpital public on dénie aux musulmanes le choix de leur médecin. Pur et simple mensonge, parfaitement en phase avec la stratégie de victimisation communautariste de cette association. En pratique, le comportement des soignants est aux antipodes de cette falsification ; on le vérifie à partir des recommandations de la fiche correspondante du CDOM 31 « Refus de soignant pour motif religieux ».

Pour commencer, un rappel : « La Charte de la Laïcité dans les services publics précise que les usagers de ces ser-vices ne peuvent récuser un agent public ni exiger une adaptation du fonctionnement du service public. Cependant, le service s’efforce de prendre en considération les convictions de ses usagers dans le respect des règles auquel il est sou-mis et de son bon fonctionnement. »

À l’hôpital (situations concrètes tirées de cas réels) :

– hors urgence, chacun est libre de choisir son médecin ; le libre choix du patient trouve ses limites dans la nécessaire organisation des équipes médicales.

– en urgence, si un homme refuse d’être soigné par une femme ou une femme par un homme ; si un patient exige un soignant de même religion… :

• il existe une alternative au sein de l’équipe médicale de garde : un autre soignant peut être appelé à intervenir, dans les limites des exigences de l’organisation du service.

• il n’existe pas d’alternative : les soins urgents sont réalisés par l’équipe de garde. À cet égard, on ne rencontre aucun obstacle dans les religions juive, catholique et protestante. Pour la religion musulmane, la plupart des reli-gieux indiquent que, s’il n’a pas le choix, le patient ou la patiente par nécessité médicale autant que par obligation religieuse doit accepter d’être soigné par une personne de sexe opposé.

Il n’est pas pertinent dans ces situations de transférer le patient ou la patiente dans un autre établissement ou de rappeler de son domicile un soignant qui n’est pas de garde.

Hors urgence, mais même en situation d’urgence, il peut être fait appel à l’aumônier de l’établissement ou à toute autre personne pouvant assurer une médiation ou une information spécifique.

Si, dans l’urgence, le malade persiste dans son refus, le médecin est dans l’impossibilité juridique de passer outre sa volonté. Il doit informer le patient des conséquences de son choix et réitérer l’information au patient et à la personne de confiance désignée. En cas de refus persistant, il est souhaitable de faire attester par écrit la décision du patient ou de la personne de confiance et d’inscrire la démarche du médecin dans le dossier médical » (une Fiche « traçabilité » figure dans le dossier élaboré par le CDOM).

La citation, délibérément longue, a pour objet d’illustrer le souci d’équilibre et de respect de la liberté de conscience des patients, dans un cadre contraignant, celui de l’organisation d’un service public.

Ces critères d’équilibre et de respect irriguent chacune des fiches élaborées par le CDOM : outre celles à caractère général, on en compte 23, du certificat de virginité à l’IVG, en passant par la PMA, l’interruption médicale de grossesse, l’hyménéoplastie, le diagnostic prénatal, la contracep-tion, le jeûne, le don d’organes … Pour chaque sujet sont mis en regard l’éthique, l’attention ac-cordée aux patients, les préceptes de chaque religion, les contraintes d’organisation du service ; d’où s’ensuivent les comportements recommandés.aux praticiens.

À titre d’exemples, et sans cette fois entrer dans le détail (la liste complète des fiches est dispo-nible à l’adresse http://www.ordmed31.org/IMG/pdf/print_28001_om_fiches_x34.pdf, on en donne ci-après quelques « morceaux choisis » :

Certificat de virginité ou de « défloration » : le médecin doit refuser l’examen et la rédaction d’un tel certificat, contraire à la dignité de la femme.

Demande de circoncision pour motif non médical : le médecin doit informer la famille du non-remboursement de l’acte.

Excision et obligation de signalement : en France, la pratique est interdite. L’article 226-13 du Code pénal (sanctionnant une violation du secret professionnel) n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret.

IVG : le médecin et le personnel concourant à l’intervention disposent d’une clause de cons-cience (sans nécessité de motivation). La loi impose toutefois au praticien qui refuse d’exécuter un tel acte d’informer sans délai la femme de sa décision et de lui communiquer immédiatement le nom des praticiens susceptibles de réaliser cette intervention.

Diagnostic prénatal : la pratique des examens (y compris non invasifs) liés à ce diagnostic né-cessite la prise en compte préalable par les soignants des convictions personnelles, religieuses ou philosophiques des parents. En cas d’interrogation de ceux-ci vis-à-vis de ces examens, les soi-gnants se doivent de leur conseiller de consulter un représentant de leur culte ou un référent de leur culture pour faire un choix le mieux adapté à leur situation et leurs convictions.

Procréation médicalement assistée : les religions ont des avis assez différents concernant les techniques de PMA, nécessitant pour les praticiens de bien en expliquer les processus et les im-plications, dans le respect des choix philosophiques et religieux des patients.

Interruption Médicale de Grossesse : la loi française autorise l’interruption médicale de gros-sesse (IMG) à tout âge de la grossesse (c’est-à-dire depuis la fécondation jusqu’avant la naissance), soit quand la grossesse met en péril grave la santé de la mère, soit quand le foetus est atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable.

Le « choix entre mère et enfant » : quand la grossesse menace la vie de la mère, l’IMG est tolé-rée par la plupart des Églises protestantes, par le Judaïsme et par l’Islam. Pour les catholiques, « en aucun cas, l’Église Catholique n’enseigne que la vie de l’enfant doit être préférée à celle de la mère. D’un côté comme de l’autre, il ne peut y avoir qu’une seule exigence : faire tous les efforts

pour sauver la vie de la mère et de l’enfant. La plus noble aspiration de la médecine est de cher-cher toujours de nouveaux moyens pour conserver la vie de l’un et de l’autre ». (Encyclique casti connubili, 31 décembre 1930).

Don d’organe entre vivants : le don d’un organe ou de cellules souches hématopoïétiques de son vivant est autorisé par la loi française. Ce don est gratuit.

Le Judaïsme, l’Islam et la religion chrétienne autorisent le don d’organe entre vivants s’il ne met pas en danger la vie du donneur, s’il est indispensable pour le receveur et s’il ne donne lieu à au-cune commercialisation.

Demande d’autopsie : l’autopsie judiciaire ou médicolégale est requise par l’autorité judiciaire pour rechercher les causes d’un décès. À ce titre, l’entourage (ou qui que ce soit d’autre) ne peut s’y opposer, y compris pour des raisons religieuses.

Les chrétiens, catholiques et protestants, ne s’opposent pas à l’autopsie d’un défunt. Dans le ju-daïsme, le respect de l’intégrité du corps s’oppose à la réalisation d’une autopsie ; sur indication médicale impérative, l’entourage pourra requérir une autorisation rabbinique. Pour les musul-mans, le Coran n’interdit pas l’autopsie, mais insiste pour que le plus grand respect soit porté à la dépouille mortelle.

Pratique religieuse dans les lieux de soins

Patients : il convient d’adapter sa pratique religieuse aux circonstances (hospitalisation, consulta-tion…). Toutefois, les pratiques religieuses des patients ne doivent pas différer les soins médi-caux.

Soignants : les soignants sont tenus d’adapter leurs pratiques religieuses personnelles aux con-traintes de l’organisation du service. Hors soins urgents et dans la limite de l’organisation du ser-vice, ils se doivent de respecter les prières en cours des patients hospitalisés et leurs entretiens avec les représentants de leur culte.

Jeûne religieux et alimentation en milieu hospitalier : le médecin interrogé par un patient doit lui expliquer le risque du jeûne adapté à son état de santé spécifique.

Décret 2003-462 2003-05-21 art. 5 JORF 27 mai 2003 : « les visiteurs et les malades ne doivent introduire dans l’établissement ni boissons alcoolisées ni médicaments, sauf accord du médecin en ce qui concerne les médica-ments. Le cadre infirmier du service s’oppose, dans l’intérêt du malade, à la remise à celui-ci de denrées ou boissons même non alcoolisées qui ne sont pas compatibles avec le régime alimentaire prescrit. » Un refus de suivi des recommandations médicales alimentaires est à gérer (notamment avec les aumôniers) et à tracer comme tout refus de soins.

Aucune réglementation, aucun interdit, mais aussi aucun aménagement de l’activité profession-nelle ne sont prévus pour les soignants pendant les périodes de jeûne. Le jeûne doit être compa-tible avec l’activité de soins et ne modifie en rien les obligations des soignants à l’égard des pa-tients.

Les employeurs (médecins ou Établissements de soins) ne sont pas tenus de proposer à leurs personnels une nourriture spécifique tenant compte des convictions religieuses ou des habitudes alimentaires.

Port de vêtements religieux ou traditionnels pendant les soins : le respect de la volonté du patient permet d’accepter le port de vêtements religieux, traditionnels ou coutumiers, si la qualité des soins ne s’en ressent pas.

Refus de transfusion ou de produits d’origine sanguine : le refus de transfusion sanguine (ou produits dérivés) est surtout le fait des Témoins de Jéhovah pour motifs religieux, mais aussi par d’autres patients, et pour des raisons parfois autres que religieuses.

L’utilisation thérapeutique du sang ou de ses dérivés ne pose aucun problème pour les religions juive, catholique, protestante et musulmane.

Concernant les mineurs ou majeurs sous mesure de protection juridique (tutelle…), l’obligation de soins passe outre le refus du patient, du tuteur ou du titulaire de l’autorité parentale, en cas d’urgence et si ce refus risque de générer des conséquences graves.

La loi du 4 mars 2002 oblige le médecin à un respect total de la volonté de son patient, quelles qu’en soient les conséquences. Dans tous les cas, une traçabilité exhaustive et pas à pas de la dé-marche médicale est indispensable.

Alain Azouvi