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Chaque religion connaît son aile rigoriste, ce phénomène n’est pas nouveau. Mais en période de pandémie, les extrémistes se révèlent particulièrement toxiques pour le reste de la population. Leurs prises de position comme leurs actes témoignent à la fois d’une ignorance abyssale et du mépris total de la vie humaine, y compris de celle de leurs adeptes.

Ceux qui nient simplement la réalité de la pandémie.

Ils partagent ce fâcheux comportement avec certains dirigeants, comme Bolsonaro au Brésil, ou encore Alexandre Loukachenko en Biélorussie[1] pour qui l’épidémie n’est qu’une « psychose », ou même Donald Trump dans les premiers jours de l’épidémie aux États-Unis.

En Grèce, au mois de Mars, l’Église de Grèce refusait les consignes du gouvernement et voulait continuer de donner la communion[2]. Elle récusait totalement toute possibilité de transmission de la maladie par la participation à l’eucharistie et à la communion. Non loin de là, l’Église grecque-orthodoxe de Chypre, tout en recommandant de respecter les mesures de prévention, assurait dans le même temps que « penser que la Sainte Communion peut transmettre une quelconque maladie » relevait du « blasphème ».

Ceux qui lui donnent une explication divine

Ils confortent leur discours de propagande habituel. C’est le cas de l’État islamique. Comme l’écrit Myriam Benraad[3] Chercheuse et professeure associée en science politique et relations internationales, Sciences Po – USPC : « Dans un éditorial en février dernier ouvrant sa principale publication arabophone « An-Naba’ », entièrement consacré à la pandémie, l’État islamique (EI) soutenait ainsi que Dieu prenait là une revanche impitoyable contre les « croisés » et les « adversaires de l’islam » – au premier rang desquels la Chine, l’Europe, les États-Unis et l’Iran chiite –, leur infligeant un supplice inouï, durable, et des souffrances décuplées répondant à celles subies par les musulmans sunnites partout sur la planète. Des groupes comme Al-Qaïda ou Boko Haram se sont également félicités de ce drame global. » Mais comme ils ne sont pas dupes de ce discours destiné à leur base, ils recommandent par ailleurs d’éviter les voyages vers l’Europe.

Ceux qui pensent que la prière ou les rituels peuvent guérir.

Les islamistes marocains se sont révélés tout aussi dangereux en appelant au rassemblement pour prier Allah alors que le gouvernement avait décrété un confinement. Des foules compactes se sont ainsi constituées dans les rues de Fès et de Tanger, entre autres, avec comme conséquence, une propagation accrue du virus dans les jours suivants.

Les leaders pentecôtistes au Brésil[4], se distinguant de la majorité des autres prêtres évangéliques, ont refusé de fermer leurs églises, prétendant lutter contre le virus par la prière. Il est vrai que le comportement irresponsable de Bolsonaro les conforte dans ce comportement, tandis que la justice et le personnel soignant se trouvent seuls en première ligne, mais pas sans efficacité heureusement.

En Israël, ce sont les ultraorthodoxes qui refusent de se confiner et continuent de se rendre dans les synagogues, pour des offices collectifs. A Bnei Brak, par exemple, banlieue de Tel Aviv où ils vivent en majorité, 900 personnes contaminées étaient recensées le 2 avril, soit 38% de la population. La ville est confinée et les entrées et sorties sévèrement contrôlées. La police effectue régulièrement des descentes dans des synagogues et arrête des récalcitrants réunis pour prier. Au total, un patient hospitalisé sur deux appartient à ces communautés orthodoxes alors qu’ils représentent seulement 10% de la population.

Le summum est sans doute atteint par l’Iran, où le déni de la maladie est constant. Quand les dirigeants font référence à la maladie, c’est pour dénoncer une pseudo guerre dans laquelle les États Unis auraient volontairement contaminé le pays. Les rassemblements, pèlerinages continuent d’être encouragés et organisés par le pouvoir en place. L’ONG Médecins sans Frontières avait dépêché une équipe sur place et s’est vue refoulée à la frontière. Le Comité de la morale dans la recherche de la ville de Qom, épicentre de l’épidémie dans le pays, parle de « l’effet des violettes et de l’huile aromatique d’amande douce sur la qualité du sommeil et de la respiration des patients atteints de maladie coronarienne ».

Et que dire de ceux qui, à Paris, à Saint Nicolas du Chardonnet ont tenté de célébrer un messe de Pâques clandestine, avant que la police n’intervienne pour mettre fin à cette folie ?

 L’obscurantisme, un danger pour tous

Nous ne connaissons pas et ne pouvons pas connaître le nombre de victimes dues au coronavirus en Iran et dans d’autres pays aux pratiques opaques et les comparaisons qui sont souvent faites dans les médias sur l’état de la pandémie, pays par pays, ne tiennent compte que de données officielles dont beaucoup sont, pour ces raisons en particulier, sujet à caution.

Il reste préoccupant de voir combien des croyances peuvent projeter des individus hors de la réalité et les pousser à adopter une sorte de pensée magique où le remède à tous les maux et au pire d’entre eux, la mort, est apporté par la divinité. La prière ou encore des recettes fantaisistes sont vantées par des prêtres, dont l’intention première est de détourner les fidèles des recommandations du corps médical et des lois de la « société profane ».

S’il n’est pas dans notre propos de nier ce que la prière peut apporter de réconfort moral aux croyants, il est évident que les recommandations dévoyées qui la transforment en thérapie ou en vaccin contre la maladie relèvent de l’obscurantisme.

Loin de ne mettre que leur propre santé et celle des fidèles en péril, c’est à la sécurité de tous les citoyens que ces fanatiques s’en prennent.

Martine Cerf

[1] Benoit Vidkine, Lemonde.fr 01-04-2020

[2] Arnaud Bavilacqua, La Croix, le 11-03-2020

[3] https://theconversation.com/quand-la-propagande-djihadiste-sempare-de-la-crise-sanitaire-135886

[4] Bruno Meyerfeld, LeMonde.fr 02-04-2020