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Plusieurs raisons militent pour une suppression plus rapide du régime dérogatoire, en dehors du fait, évidemment, que la défense de la liberté de conscience n’attend pas !

Tout d’abord, le principe même du Concordat est devenu caduc : du l’État paye et l’État contrôle, il ne reste plus que les privilèges financiers des cultes !

En second lieu, parce que les tenants du régime local ne restent pas inactifs. Ils ont échoués, en Alsace, à mettre en œuvre des mesures qui visaient à chercher un nouveau public après des années de désaffection de l’enseignement religieux par les parents. D’autres échecs, dans d’autres domaines, ont été essuyés par les défenseurs du Droit local. C’est pourquoi, avec l’appui du Secrétaire général de l’Élysée, un amendement gouvernemental au projet de loi de réforme de la Constitution a été déposé en juillet 2018, lors de la première discussion du projet à l’Assemblée. Cet amendement dont la formulation et l’exposé des motifs sont ambigus pourrait permettre de contourner la décision SOMODIA, conférant de fait un caractère de droit territorial aménageable à volonté aux divers régimes dérogatoire… Ceci dans l’ambiance générale de débats sur le droit à la différenciation des régions et de la création récente de la Communauté européenne d’Alsace, dotée de compétences spécifiques…

Je noterai ensuite le fait que le voisin immédiat de la Moselle le Grand-Duché de Luxembourg avait conservé de nombreuses dispositions de l’époque où il faisait partie de la Première République française, puis du Premier Empire.
Il a, en négociant avec les cultes, et en obtenant l’accord de l’archevêque de Luxembourg, entre 2013 et 2018, effacé l’essentiel des effets du Concordat en supprimant à terme le salariat des prêtres, en supprimant le soutien financier des communes aux cultes, en remettant les édifices cultuels catholiques à une fondation de droit privé, en supprimant enfin l’enseignement confessionnel à l’École.
Faudrait-il croire à une religiosité particulière des trois départements français dits concordataires, pour ne pas faire évoluer la situation alsacienne et mosellane ?

À l’évidence, ce qui subsiste c’est un sentiment identitaire, essentiellement alsacien, qui fait obstacle aujourd’hui. Le site de l’Institut du Droit Local le dit clairement : « Le droit local est ainsi devenu un élément du paysage alsacien, un marqueur de l’identité de la région, un aspect de l’épopée alsacienne dans laquelle se retrouvent tous les alsaciens de cœur. On veut garder le concordat ou les corporations parce que c’est à nous et qu’on ne supporte pas que Paris nous dise que ce n’est pas bien. […] Certaines règles de droit local ne survivent qu’en raison de leur fonction d’ersatz d’un véritable statut d’autonomie territoriale. À défaut de pouvoir s’exprimer dans les domaines qui les intéressent, les populations locales se raccrochent à des dispositions sans intérêt réel, mais qui leur permettent d’exprimer de manière emblématique quoique inadéquate leur volonté de sauvegarder leur identité régionale » !

Dernier point que j’invoquerai : dans une récente déclaration, Monsieur Ghaleb Bencheikh, président de la Fondation pour l’Islam de France, réclamait une modification, un assouplissement de la loi de 1905, en rappelant l’existence du Concordat en Alsace et Moselle. « On ne peut nous expliquer que la laïcité est une exception française, que le Concordat est une exception dans l’exception, et que l’Islam est une exception dans l’exception de l’exception » disait-il !

On l’aura compris : le maintien du Concordat et des régimes dérogatoires religieux n’est pas uniquement le reliquat d’un passé douloureux, il peut apparaître aujourd’hui comme un des principaux prétexte à mettre en cause les dispositions qui fondent notre République laïque !