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Il faut faire ce constat implacable aujourd’hui : il existe deux gauches qui ne sont pas réconciliables. Ceux qui espèrent encore une mythique « union des gauches » pour remporter les élections du 30 juin et du 7 juillet 2024 se fourvoient gravement. D’abord parce qu’ils oublient que François Mitterrand, lorsqu’il avait réalisé cette union, l’avait fait sur la base d’un programme, le programme commun de la gauche et non pas sur la conciliation des egos. Or de programme commun, nous n’en voyons même pas l’ébauche.

Il y a une partie de la gauche, située aux extrêmes, mais pas uniquement, qui ne sait plus ce qu’est l’idée de progrès de l’humanité, qui a volontairement banni la notion de valeurs universelles pour sombrer dans un relativisme mortifère qui la pousse à accepter toutes les exactions, pour peu qu’elles soient le fait de minorités ou de pays lointains aux traditions très différentes et qu’elles se revendiquent de l’anticapitalisme. N’importe quel dictateur en herbe peut ainsi se voir adoubé par cette gauche facile à berner par une rhétorique qui colle à la sienne. Cette partie de la gauche a abandonné depuis longtemps le doute et lui a substitué la certitude des phrases toutes faites, la dictature de modèles explicatifs qui la dispense de réfléchir à partir de la réalité des faits.

En 1978, l’ayatollah Khomeini, se réfugiait en France, à Neauphle le Château et recueillait le soutien d’intellectuels de gauche dont Beauvoir, Sartre et Foucault, séduits par sa rhétorique tiers-mondiste et anti-impérialiste et son opposition au régime autoritaire du Shah. Pourtant, une véritable réflexion aurait identifié sa volonté affichée d’installer une théocratie en Iran et aurait pu faire comprendre qu’il ne suffit pas de se déclarer anticapitaliste pour vouloir le bien du peuple.

Insensible aux leçons qu’elle pourrait tirer de ces erreurs passées, cette gauche, (qui va de LFI, à certains communistes, socialistes et écologistes) continue dans les mêmes errements. Son dogmatisme l’a conduit à classer tous les immigrés musulmans dans la case des « minorités opprimées qu’il faut défendre du racisme systémique », à oublier les classes laborieuses, à soutenir Tariq Ramadan dont elle a refusé d’entendre le double discours qui visait à enfermer les musulmans dans des pratiques rigoristes en prétendant vouloir les intégrer. Elle soutient maintenant le Hamas comme « mouvement de résistance au colonialisme » , qu’elle refuse de qualifier de terroriste malgré les crimes perpétrés contre des civils dont l’horreur a été largement documentée.

Certes, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes plaide pour la création d’un état pour les Palestiniens, mais faut-il pour cela nier les droits du peuple israélien et adopter la réthorique de terroristes qui réclament la destruction de l’état d’Israël ? Faut-il soutenir la création d’un état palestinien administré par le Hamas, financé par l’Iran, qui déclare lui-même être la branche palestinienne des Frères musulmans et viser la création d’une théocratie islamique à l’image du régime iranien ? N’y a-t-il pas assez d’iraniennes et d’iraniens assassinés par ce régime pour qu’ils ouvrent enfin les yeux ?

A côté de cette gauche égarée dans le dogmatisme, subsiste une autre gauche, qui reste au clair sur les valeurs universelles qu’elle a toujours défendues à commencer par l’article 1er de la Déclaration de droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Les hommes (et les femmes) naissent et demeurent libres et égaux en droit ». Ces femmes et ces hommes de gauche n’ont pas renoncé à défendre la liberté de conscience et la laïcité, comme condition première de l’émancipation des citoyens et des citoyennes. Ils doivent admettre qu’il est vain de chercher à unir ce qui s’oppose radicalement.

Ce sont tous les humanistes qui doivent s’allier aujourd’hui. Tous ceux et celles qui pensent que les démocraties sont attaquées par les régimes totalitaires. Tous ceux qui ont compris que c’est bien une guerre larvée de déstabilisation que livrent la Russie, la Chine et leurs affidés aux démocraties et qu’il faut y répondre résolument par un front uni des démocrates. Tous ceux qui perçoivent clairement que la guerre en Ukraine pourrait bien être un avant-goût de ce qui attend l’Europe si elle oublie de se défendre.

Martine Cerf