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La journaliste Claire Gatinois et des correspondants locaux du Monde nous apprennent que le Pape François serait prochainement attendu en Corse… et non à Paris pour la réouverture de la cathédrale Notre-Dame…

Il est vrai, comme le souligne Le Monde, que « dans l’esprit de François, la Corse est-elle vraiment la France ? La question se pose » !

Rappelons qu’il avait déjà dit en 2023 : « J’irai à Marseille, mais pas en France. » !

Et que sa seule autre visite sur notre territoire était pour Strasbourg, capitale européenne et … concordataire !

Pas question donc de visiter cette ancienne « fille aînée de l’Église » devenue une République « laïcarde » qui prétend ne reconnaître aucun culte, tout en essayant de les contrôler …

Mais pourquoi la Corse ?

L’Église a de la mémoire ! La Curie romaine connaît sans doute très bien le Liber pontificalis, ce catalogue des papes du VIe au IXe siècle. Ce document relate notamment la vie d’Étienne II, pape de 752 à 757.

L’évêque de Rome est très inquiet de la progression du peuple des Lombards et leur nouveau roi Aistolf, qui viennent de s’emparer de Ravenne et menacent la « ville éternelle » (Il me plaît de reprendre dans ce papier les poncifs les plus éculés).

En visite en France en 754, il rend visite à Pépin le Bref dans le domaine particulier de celui-ci, à Quierzy, sur les bords de l’Oise.

Or, Pépin (le petit seulement par la taille), vient d’envoyer croupir dans un monastère Childéric III, le dernier Mérovingien. Fils de Charles Martel, maire du Palais comme lui, il se proclame roi des Francs et fonde ainsi la dynastie carolingienne.

[Une remarque s’impose ici : comme les Mérovingiens, les Carolingiens et les premiers Capétiens, sont des ROIS DES FRANCS. La France n’existe pas, au mieux parle-t-on de Francie occidentale. Le premier souverain à porter le titre de ROI TRÈS CHRÉTIEN DE FRANCE sera Philippe Auguste, en 1204… avant, que des Rois des Francs…]

Mais revenons au Pape… et la Corse.

Pépin souhaite ce que nous appellerions une reconnaissance internationale et notamment celle de l’Église. Le Pape cherche un protecteur. Ils sont faits pour s’entendre. Pépin massacrera quelques Lombards (Son fils Charlemagne poursuivra la tâche) et libère ainsi Rome de la menace. Étienne II reconnaît Pépin comme roi légitime et va même par le sacrer, par l’onction avec l’huile de la « Sainte ampoule » qui aurait servi au baptême de Clovis… Cette tradition du sacre sera conservée pour tous les souverains français jusqu’à la Révolution.

Mais la Corse, me direz-vous ?

La tradition attribuait à l’Empereur romain Constantin (le « Président de l’Église » après sa conversion, selon la belle formule de l’historien Paul Veyne) une donation de territoires à l’Église, et parmi ces territoires la Corse.

Il s’agit-là, évidemment, d’une pieuse légende.

En revanche, c’est bien réellement que Pépin, en 754, attribue à l’évêque de Rome la possession de territoires (l’exarchat de Ravenne, la Sardaigne, la Sicile et … notre « Île de Beauté »).

Il s’agit de ce que l’on dénomme la Donation de Quierzy ou Donation de Pépin (qui sera confirmée par Charlemagne), fondement des États Pontificaux dont il ne subsiste aujourd’hui que la modeste enclave du Vatican.

Mais pourquoi rappeler ces vieilles affaires me direz-vous encore ?

C’est que la visite pontificale en Corse peut être interprétée de deux manières :

  • Soit, il s’agit de la venue d’un responsable religieux, et pour notre État républicain seul importe de garantir l’ordre public à cette occasion (et de rappeler aux fonctionnaires et élus locaux le principe de laïcité qui s’impose en cette occasion… mais là, c’est vrai, je rêve !)
  • Soit, il s’agit de la visite d’un souverain étranger qui doute paraît-il de l’appartenance de la Corse à notre République indivisible… Il faudrait alors s’inquiéter du soutien que pourrait apporter ce chef d’État à des actions de détachement de la Corse de la France… pour une Corse indépendante, sous la protection pontificale …

En effet, même si le « Souverain Pontife » (comme le nomment les journalistes du Monde) est le « Grand Frère » de notre actuel Président (voir le papier du Monde), son caractère imprévisible laisse ouvertes toutes les hypothèses !

Michel Seelig