-

Abdelfatah Hamadache, qui avait appelé au meurtre contre lʼécrivain algérien, a été condamné à trois mois de prison ferme par un tribunal dʼOran.

Par Meziane Abane (Contributeur Le Monde Afrique, Alger)

Abdelfatah Hamadache, chef du parti non autorisé Front du Sahwa islamique, qui avait lancé en décembre 2014 un appel au meurtre contre lʼécrivain et journaliste algérien Kamel Daoud, a été condamné, mardi 8 mars, par le tribunal correctionnel dʼOran, à six mois de prison, dont trois ferme. Lʼimam salafiste devra également verser une amende 50 000 dinars (420 euros).

Dans sa fatwa (« avis juridique islamique ») publiée sur sa page Facebook, Abdelfatah Hamadache accusait Kamel Daoud dʼ« apostat », dʼ« ennemi de lʼislam et de la langue arabe » et de « profanateur de Dieu et de son Prophète ». Il appelait lʼEtat algérien à condamner à mort lʼécrivain. En cause : les propos tenus dans lʼémission « On nʼest pas couché » sur France 2, le 13 décembre 2014 où M. Daoud avait été invité par Laurent Ruquier pour discuter de son livre Meursault, contre-enquête (Actes Sud). Lʼécrivain avait porté plainte, demandant une condamnation de lʼimam à une amende dʼun dinar symbolique.

Abdelfatah Hamadache, ancien du Front islamique du salut (FIS), dont les branches armées ont causé la mort de plus de 200 000 personnes pendant la guerre civile qui a marqué la décennie 1990, multipliait à lʼépoque ses passages sur les chaînes télévisées. Ses discours remplis de « haine », faisant lʼ« apologie du terrorisme » lui ont coûté une interdiction de plateau par Alger. Aujourdʼhui, lʼimam nʼa cependant pas cessé ses prêches sur YouTube et les réseaux sociaux. Sa dernière vidéo était consacrée au premier ministre français, Manuel Valls, pour le soutien quʼil a officiellement apporté à lʼécrivain mercredi 2 mars. Le prédicateur y accuse le chef du gouvernement français des mêmes « fautes » et exige que lʼEtat algérien lui rappelle le caractère strictement national de lʼaffaire lʼopposant à Kamel Daoud.

Les antécédents de lʼimam salafiste

Abdelfatah Hamadache, qui avait maintenu ses propos, a déclaré quʼil ferait appel du jugement. Joint par téléphone, Kamel Daoud a préféré ne pas commenter la décision de la justice de son pays.

Le journaliste et écrivain nʼest pas le premier à être menacé par lʼimam salafiste. Avant Kamel Daoud, il y eut Hamid Ferhi, coordinateur du Mouvement démocratique et Social (MDS), un parti communiste algérien.

En octobre 2014, le prédicateur sʼétait attaqué en plein débat télévisé à M.Ferhi. Lors de la même émission, il avait également appelé à lʼexhumation des corps de lʼécrivain algérien Kateb Yacine et de lʼancien président du MDS, El Hachemi Chérif. Deux personnalités, selon lui « pas assez musulmanes » pour mériter dʼêtre enterrées dans un cimetière musulman.

Hamid Ferhi a réagi le 8 mars à la condamnation dʼAbdelfatah Hamadache dans lʼaffaire Daoud : « Cette condamnation symbolique ne peut avoir dʼeffet que si les pouvoirs publics et la classe politique cessent dʼinstrumentaliser la religion », a-t-il déclaré.

Hmida El Ayachi, écrivain et ancien patron de deux journaux, Algérie News et Aldjazair News, a abondé dans le même sens. « LʼEtat est resté muet pendant longtemps devant ces imams qui appellent au meurtre des intellectuels. Il a enfin réagi aux pressions de ces derniers et à celles des médias progressistes qui ont toujours soutenu Kamel Daoud. Cela appellera à ces fanatiques quʼil existe des lois quʼil faut respecter en Algérie », a déclaré Hmida El Ayachi qui sʼapprête à publier un nouveau livre, Lʼislamisme et le choc du postnationalisme, aux éditions Socrates.

La nouvelle de la condamnation de lʼimam salafiste a aussi fait le tour de la Toile et des réseaux sociaux. Sur la page Facebook dʼAdlene Meddi, rédacteur en chef dʼEl Watan Week-end, qui annonçait la nouvelle, beaucoup de journalistes ont réagi à chaud et avec grand soulagement à la décision du tribunal dʼOran. « Cʼest peu mais cʼest déjà bien », notre un éditorialiste arabophone. « Enfin la justice sʼen mêle », ajoute lʼécrivaine et militante féministe Wassyla Tamzali.