Avec la proposition de loi sur la fin de vie, ce qui s’annonce est la liberté de décider pour nous-mêmes de mettre un terme à une vie dont nous considérons qu’elle ne vaut plus la peine d’être vécue, en raison de trop de souffrances physiques et psychiques. Nous disons que de ce « trop » nous sommes seuls juges pour nous-mêmes et que l’application de ce droit doit s’exercer dans un cadre éthique solide et réfléchi. Rien de plus. Et c’est cela précisément que conteste la Conférence des responsables de culte en France (CRCF).
Dans un communiqué récent, les signataires, des représentants du catholicisme, du protestantisme, de l’islam et du judaïsme, interpellent les députés qui débattent à l’Assemblée nationale. Selon eux, le texte manque de garanties éthiques et constitue même une « rupture anthropologique ». Pourtant les questions éthiques sont bel et bien débattues dans l’hémicycle. Elles sont même au cœur des débats mais les opposants à une loi sur la fin de vie ignorent volontairement l’efficacité du cadre éthique mis en place chez nos voisins belges quand ils ne le dénigrent pas. C’est ainsi que malgré leurs allégations, il faut constater qu’une telle loi n’a nullement conduit à « exercer une pression sourde mais réelle sur les plus vulnérables » comme ils l’écrivent. C’est tout le contraire qui s’est produit en Belgique où la loi s’applique depuis 2002 et donne lieu à des rapports d’évaluation bisannuels. Parmi les malades atteints de pathologies graves, certains n’envisagent pas cette possibilité et d’autres sont soulagés de savoir que mettre un terme à leur souffrance est à leur portée. Ils traversent leurs derniers jours avec une sérénité plus grande et peu d’entre eux prennent cette décision ultime et c’est très bien ainsi : 97%[1] des patients décident de ne pas utiliser ce droit. 23 ans après le vote de la loi, on est bien loin de la déferlante d’euthanasies que certains agitent pour dramatiser le débat.
Mais reconnaître aux individus cette ultime liberté revient à les soustraire au pouvoir que d’autres voudraient exercer sur eux en leur imposant leur morale. C’est la conséquence logique de la séparation des Églises et de l’État. C’est peut-être cela que nos responsables de culte ne supportent pas.
Martine Cerf
[1] Rapport 2024 aux Chambres législatives de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie.