-

2022 s’achève alors que sont engagés des combats de femmes pour leur vie et leur liberté. Femme, vie, liberté, le mot d’ordre initié par des femmes kurdes reste celui de la révolte iranienne qui se renforce jour après jour malgré la répression sans pitié de leurs dirigeants, religieux corrompus pour la plupart.

Liberté aussi pour les femmes afghanes qui ne peuvent plus sortir, s’instruire ou seulement vivre comme des êtres humains et que les talibans veulent réduire à l’état d’objets sexuels voués au plaisir des hommes et à la reproduction.

À toutes ces femmes et aux hommes qui manifestent avec elles, nous apportons notre soutien inconditionnel. Pour eux, nous ne devrons jamais baisser les bras dans notre pays ni en Europe et continuer de militer pour l’élargissement et la consolidation de nos libertés. Car certaines sont en grand danger :

Liberté des femmes à pratiquer des IVG, dont on a vu aux États-Unis qu’elle pouvait rapidement être remise en question par les partisans de l’application stricte d’un ordre moral religieux. Il nous faudra renforcer ce droit en France et en Europe.

Liberté du choix de sa fin de vie, alors que les mêmes tenants de cet ordre moral s’y opposent.

Liberté d’expression aussi, alors que la pratique du dialogue cède trop souvent le pas aux échanges d’invectives et aux menaces. Le discours woke qui ne conçoit la société qu’en termes de domination et ignore le dialogue d’égal à égal ne saurait engendrer que ressentiment frustration et violence.

La pratique du débat implique d’être disponible aux idées de l’autre, le différent. Elle implique de savoir argumenter pour défendre sa pensée et non de réciter un discours stéréotypé qui, seul, incarnerait « le bien ». Cela implique de sortir de la contemplation de soi et des revendications identitaires, du rejet permanent de toute responsabilité sur l’autre, pour envisager sa place dans une société plus solidaire, qui a même osé la fraternité comme projet.

Nous ne devons pas céder à ceux qui pratiquent la menace pour intimider et réduire au silence ceux avec qui ils sont en désaccord. Il ne se passe pas une semaine sans qu’on découvre une annulation de conférence ou la destruction de locaux comme récemment, le café laïque de Bruxelles, au motif que les conférencières défendraient des thèses racistes ou transphobes. Allégations qui sont évidemment fausses pour tous ceux qui se sont donné le mal de lire leurs écrits. Mais leurs agresseurs restent sur leurs théories fumeuses, simplistes et non étayées qu’ils veulent imposer par la violence. C’est pourquoi nous apportons notre soutien inconditionnel à Caroline Eliacheff et Céline Masson empêchées de s’exprimer à Lille, Paris et Bruxelles, qui posent dans leur livre[1] une question de santé publique majeure, ce qui est le devoir légitime de tous les professionnels de santé.

Nous apportons aussi notre soutien total aux enseignants en butte à l’intolérance et que l’on n’hésite pas à mettre en accusation pour un mot différent du dogme en vigueur et appelons leur hiérarchie à plus de courage pour résister à leur côté. Nous exprimons également notre solidarité avec la professeure de danse de Sciences Po, Valérie P., qui a donné sa démission parce qu’on voulait l’empêcher de parler « d’hommes et de femmes ».

La laïcité est née en réaction aux excès de l’Église catholique qui rêvait à cette époque d’asservir le peuple à ses dogmes et à sa morale. Aujourd’hui encore, nous sommes confrontés d’une part à des conservateurs religieux qui sont dans la même démarche et d’autre part, à ceux qui prônent des prêt-à-penser politiques tout aussi dogmatiques.

La laïcité, toujours, défend la liberté de conscience, la liberté d’élaborer ses convictions en toute liberté, ou de choisir ses croyances. Elle n’impose aucune pensée particulière et s’appuie sur les valeurs contenues dans la devise républicaine. C’est pourquoi les laïques aujourd’hui ne doivent rien lâcher vis-à-vis des nouveaux dictateurs de la pensée.

Nous, en France, femmes et hommes libres, nous le devons aussi à tous ceux qui dans le monde, mettent leur vie en danger pour conquérir leur liberté.

Martine Cerf

[1] La fabrique de l’enfant-transgenre, Caroline Eliacheff et Céline Masson, Éditions de l’Observatoire