D’après Jakub Iwaniuk dans Le Monde,
À l’annonce de la Marche des fiertés, dans la région très conservatrice de la Podlachie, soixante contre-manifestations – nationalistes, ultracatholiques, parfois violentes – ont été signalées ce 20 juillet. A Bialystok, un millier de supporteurs de football ultras du club local, proches des groupuscules nationalistes, en particulier, ont diffusé des messages homophobes.
Une Marche très chahutée
Les premiers manifestants LGBT se sont fait injurier et parfois bousculer. Des projectiles sont lancés en direction des manifestants. La marche s’est cependant déroulée, encadrée par les forces de l’ordre.
Les responsables de l’Église avaient annoncé quelques jours auparavant qu’ « avec l’accord du maire, il y aura dans notre ville Sodome et Gomorrhe ». Des prières sont organisées pour la reconversion de ceux qui défilent. Allant dans le même sens, une lettre du métropolite de Bialystok a également été lue dans toutes les églises de la région. Sur le parcours de la Marche, de vieilles dames, chapelet à la main, se mêlent aux jeunes ultras, et, entre deux hurlements homophobes, prient le Notre Père.
Une campagne de dénigrement « anti-LGBT »
L’élément déclencheur fut la signature, en février, par le maire de centre droit de Varsovie, d’une « charte LGBT », mettant en place des mesures antidiscrimination. Ce qui a provoqué la réaction contraire des médias pro gouvernementaux, du parti PiS au pouvoir.
La presse ultraconservatrice assimile ouvertement l’homosexualité à la pédophilie, titre sur « l’homoterrorisme ». L’opposition est accusée de vouloir « sexualiser les enfants en bas âge », sous prétexte de promouvoir une éducation sexuelle selon les standards de l’Organisation mondiale de la santé. Un publiciste de droite très en vogue va jusqu’à écrire qu’il faut « tirer sur l’idéologie LGBT » sans être inquiété par la justice.
Le tribunal constitutionnel, la plus haute instance juridique du pays étroitement contrôlée par le pouvoir, a créé une jurisprudence inquiétante en donnant raison à un imprimeur, condamné à trois reprises pour discrimination, qui avait refusé d’imprimer des tracts d’une organisation LGBT. « Nous vivons enfin dans un pays libre, où la liberté de conscience est respectée », a commenté le ministre de la justice, Zbigniew Ziobro. Une trentaine de communes ont adopté des arrêtés municipaux anti-LGBT. Certaines de ces initiatives ont été récompensées par des médailles du préfet de la région de Lublin.
Le journal d’extrême droite Gazeta Polska, proche du PiS, a annoncé vouloir distribuer dans sa prochaine édition des autocollants « Zones anti-LGBT ». Le tollé fut si fort que l’ambassadrice des États-Unis, Georgette Mosbacher, proche de Donald Trump, s’est sentie obligée de réagir. Campagne contre l’homophobie a émis le 18 juillet un communiqué, signé par quatre-vingts ONG de défense des droits humains : « Il est temps de le dire tout fort, “la vie des personnes LGBT en Pologne est en danger”. »