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Algerie : comment le voile s’impose aux jeunes filles

posté le 07/03/2018

Le journal algérien, El Watan, consacre un article aux pressions subies par les jeunes filles et tout particulièrement les étudiantes pour qu’elles portent le voile.

Les témoignages recueillis par El Watan interpellent. Un certain nombre de jeunes Algériennes portent le voile, non par choix, mais pour éviter les agressions. D’autres au contraire le retirent, réalisant qu’il ne les protège pas. On peut aussi légitimement se poser la question du port du voile dans les quartiers en France sur le même mode de fonctionnement.

Il sublime provoque, suscite des polémiques ; le voile, cet accoutrement ostentatoire islamique, continue à bouleverser la société algérienne.

Ces dernières années, il tend à devenir ce paréo censé protéger les filles du harcèlement dans la rue. Pour d’autres, il ne s’agit que d’un phénomène de mode.

Pour les islamistes, il est l’objet phare sur lequel se fonde leur idéologie et devient une cause prioritaire. Face à la pression, familles et filles cèdent au chantage.

Je continuerai à les harceler jusqu’à ce qu’elles le portent toutes et qu’elles le portent correctement. C’est normal qu’on les harcèle ou qu’on les agresse, ce n’est pas notre faute si elles n’ont pas de pudeur.

Dieu a dit qu’une femme qui se respecte se voile, elle n’ira pas montrer ses attributs à ses frères musulmans. Mais les filles de nos jours ne se respectent plus et s’en foutent de la religion. Honte à elles !», déclare un jeune sur une chaîne de télévision privée à relents islamistes. Le message est sans équivoque et ne souffre d’aucune ambiguïté.

Depuis quelques années, le phénomène du harcèlement des étudiantes dans les campus prend de l’ampleur et des proportions alarmantes qui va jusqu’à l’agression, et rares sont celles qui portent plainte, de peur de représailles. Il n’est donc pas toujours facile d’être étudiante sans porter le voile.

Imane, 23 ans, étudiante à Bouzaréah, a vécu un chauchemar «Un jour en rentrant de l’université, un jeune homme est venu m’aborder. Je ne m’y intéressais pas, je continuais mon chemin vers l’arrêt de bus normalement. Comme je ne lui portais aucune attention, il me tira par les cheveux et me retourna face à lui pour me donner par la suite un coup de poing en plein visage.

J’étais sous le choc, je ne pouvais rien faire et personne ne voulait m’aider ! Il m’insultait par tous les noms et il est parti comme si de rien n’était», raconte-t-elle avec amertume, visiblement toujours bouleversée par la tournure que cette affaire allait prendre. «Arrivée chez moi, ma mère avait remarqué mon œil au beurre noir.

 

En lui expliquant ce qui m’était arrivée, elle finit par me faire comprendre que c’était de ma faute parce que je ne me respectais pas et qu’elle ne voulait pas en parler à mon père pour ne pas assumer la responsabilité. Après quoi, j’ai été obligée de porter le voile». Pourtant Imane n’a jamais réellement subi la pression de ses parents pour porter le hidjab. «Certes, ma mère m’a souvent demandé de le porter, mais sans jamais m’obliger. Consciente de la pression sociale, elle pensait faire bien et me protéger, les faits, hélas, lui ont donné raison», indique-t-elle.

 

Pression familiale

Imane n’est apparemment pas la seule à avoir vécu cette situation, Hanane, 21ans, étudiante en droit, renonce à porter le hidjab pour, étrangement, le même motif. Pour elle, le porter ou pas cela ne changerait rien à la donne «J’ai porté le voile à mes quinze ans, ma mère m’avait dit que ça me protègerait. En avril dernier, je me rendais à l’université, et puisque j’habitais loin, je devais sortir tôt, à l’heure où il n’y a pas beaucoup de monde dehors. Un garçon d’à peu près mon âge me suivait dans la rue.

J’avais remarqué sa présence, alors j’accélérais dans mes pas pour arriver rapidement à l’arrêt de bus. Il m’avait rattrapé et tiré par le bras, j’avais essayé de le repousser, mais il finit par me toucher là où il ne fallait pas. Je lui ai donc donné un coup de pied au ventre et je suis retournée chez moi en courant», se souvient-elle les larmes les yeux, avant de poursuivre : «A ce moment-là, je pleurais parce que je me sentais maltraitée et j’étais vraiment en colère.

J’avais tout raconté à mes parents, je leur avais demandé de respecter mon choix, parce que porter le hidjab ou non ça ne changeait absolument rien à ma situation. J’ai donc décidé de l’enlever et de ne plus porter le voile.» Voilée ou non voilée, rien ne change en définitive.

Aux transports, à l’entrée de l’université ou à l’intérieur, le voile censé les protéger n’aura servi à rien. Pour certaines, le voile attirerait plus d’ennuis qu’on ne l’imagine, «on nous appelle ‘‘Kinder suprise’’» ironise l’une d’elles. «Les agents de sécurité nous harcèlent, ils trouvent toujours un motif pour nous appréhender, celles non voilées ont moins de problèmes avec eux, dans leur imaginaire ce sont des filles de la nomenklatura, donc intouchables», explique-t-elle.

 

Campagne de «hidjabisation»

Ces faits ont été accentués par le retour en force de la mouvance islamiste dans les campus du pays, aidée par les autorités peu regardantes. Ainsi, des campagnes de «hidjabisation» sont souvent organisées, elles consistent à inciter les jeunes étudiantes non voilées à porter le hijab, par un discours teinté de prêches religieux.

Et ce sont en général  des étudiantes islamistes qui mènent ces campagnes dans les universités, les écoles supérieures, les cités universitaires et même sur certaines pages Facebook, telles que ‘‘Mon voile, le secret de mon bonheur’’, une page qui a été supprimée suite aux signalements.

Farah, étudiante de vingt ans, originaire de Boumerdès, s’est vu contrainte de prendre une chambre universitaire à Alger, elle ne pouvait plus supporter les aller-retours éreintants, surtout le soir.

À sa grande surprise, elle découvre qu’aux résidences universitaires, les islamistes extrémistes font la loi : «Pendant plusieurs mois, elles n’ont pas arrêté de me répéter que le voile protégerait mon honneur, que j’ai seulement besoin de l’amour de Dieu et son respect bien plus que de celui des gens qui m’entourent.

La pression psychologique que je subissais était infernale. Mes colocataires mettaient du Coran tout le temps : le soir, à l’heure où je devais me coucher, comme quoi ça m’aiderait à bien dormir, même les soirs de révisions, car écouter la sainte parole vaut mieux que les notes que j’obtenais. Sans oublier les affiches collées dans les couloirs, des photos de femmes portant le voile couronnée par des versets et des hadiths.

Je n’ai rien contre ma religion,  je suis moi-même musulmane.» Face à cette pression elle a fini par céder : «Après des mois de combat, j’ai fini par me résigner. Je ne me souviens plus comment ni quand j’ai fini par porter le voile. Ma famille m’en veut de ne pas avoir su résister, mes parents ont toujours été contre le port du voile.» Ces campagnes s’attaquent à des filles qui paraissent fragiles et seules, dans le seul but de les persuader sans vraiment les conseiller sur ce qui est bon pour elles.

C’est ce que nous retrouvons à l’École normale supérieure de Bouzaréah (ENS), des murs tapissés de photos de femmes occidentales converties à l’islam et portant le foulard, ainsi que des affiches comportant des sourates et hadiths valorisant le port du voile. Des agissements qui  inquiètent sérieusements les responsables de l’école.

Dans certaines cités U, ce sont les intendantes qui se sont érigées en gardiennes de la morale et qui font office de police religieuse. «Elles guettent nos moindrs faits et gestes, et comme je suis kabyle, l’intendante focalise son énergie et son attention sur moi.

Il ne se passe pas un jour sans qu’elle me fasse la morale et m’incite à me voiler comme les autres, j’ai dû déposer un recours auprès de l’administration et je n’hésiterais pas à le faire la prochaine fois devant la justice», confie une étudiante d’une résidence universitaire d’Alger.

*Les prénoms ont été changés

 

Guerre sur la Toile

Suite à ces faits signalés ici et là, les étudiantes s’organisent et dénoncent cet état de fait sur les réseaux sociaux, ainsi les initiatives et les dénonciations se multiplient.

Plusieurs pages, événements et groupes dénoncent ces comportements. Sur Facebook, ‘‘Girl power algérien’’ est la page la plus en vue, les témoignages postés donnent lieu à un vrai espace d’échanges et de débats, des articles concernant le rôle de la femme dans la société algérienne y sont aussi souvent partagés.

L’année dernière, l’événement ‘‘Hashtag je raconte mon agression’’ avait fait le buzz , généré par la page ‘‘Féministes algériennes-dz blog’’.

Dédié entièrement aux personnes qui ont connu des faits bouleversants dans leur vie, les poussant alors à tout tenter pour se protéger et se sentir en sécurité.

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