-

Dans sa tribune publié par le quotidien britannique The Guardian le 31 mars 2024, Kenan Malik revient sur un événement qui s’est déroulé en mars 2021 à la Batley Grammar Scool (lycée) dans le Yorkshire.

Dans le cadre d’un cours d’études religieuses, un enseignant  a proposé à ses élèves de traiter les questions liées au blasphème, à la liberté d’expression et aux façons de surmonter les différends. Pour illustrer son propos, il a montré à ses élèves la désormais célèbre caricature de Mahomet portant une bombe en guise de turban, caricature créée par un dessinateur danois pour dénoncer le terrorisme islamique.

Le professeur avait procédé de la même façon, avec l’accord des autorités scolaires, les deux années précédentes sans soulever le moindre problème.

Cette fois-ci, des manifestations ont été organisées pour dénoncer ce cas de « blasphème »  qui constituait, selon les instigateurs du mouvement de protestaion, une « incitation à la haine et à l’Islamophobie, tout en promouvant une idéologie suprémaciste blanche d’extrême-droite. »

Le nom du professeur a alors été abondamment mentionné par les protestaires, ce qui a conduit à des menaces de mort sur les réseaux sociaux.

L’administration du lycée a immédiatement suspendu le professeur de ses fonctions, elle a présenté des « excuses sans restriction » pour avoir utilisé un document éducatif inapproprié et s’est engagée revoir les contenus scolaires en partenariat avec « toutes les communautés représentées dans l’établissement. » Ces excuses ont été approuvées et relayées par les autorités du district et par le député de la circonscription.

Ces dénonciations ne venaient pas de la communauté musulmane de la région mais du Muslim Action Forum (MAF, en français: Forum d’Action musulman), un groupe fondé en 2012 par des militants et des universitaires musulmans et dont l’objectif est d’empêcher tout diffusion de portrait de Mahomet.

Un autre acteur de cette mobilisation a été le dirigeant de la branche britannique du Tehreek-e-Labbaik Pakistan (TLP), une organisation qui recourt fréquemment à la violence contre des personnes accusées de blasphème au Pakistan ou ailleurs.

Kenan Malik souligne la lourde responsabilité des autorités britanniques,  qui, dans la plupart des affaires de ce genre, s’adressent en priorité aux organisations les plus radicales comme si elles étaient les authentiques représentants de l’ensemble des musulmans britanniques. Ces mêmes autorités n’hésitent pas, dans le même temps à abandonner à leur sort les enseignants incriminés.

Malik souligne que l’interdit qui pèse sur la représentation du prophète est maintenant tenue pour acquise par l’administration scolaire de bon nombre de régions, une position qui ne tient pas compte des représentations persanes, turques ou indiennes au cours de l’histoire, mais qui reprend les injonctions des groupes extrémistes.

L’auteur de la tribune rappelle que trois ans aptrès ces événements, le professeur et sa famille sont toujours dans l’obligation de vivre cachés. C’est pour Malik le résultat de l’échec des responsales politiques à s’engager clairement dans la lutte contre l’intolérance, et, en particulier, au chantage du blasphème.

Une telle attitude permettrait pourtant de contrer dans le même temps les discours anti musulmans de l’extrême droite.

 

Source:

https://www.theguardian.com/commentisfree/2024/mar/31/batley-school-what-teacher-in-hiding-can-tell-us-about-our-failure-to-tackle-intolerance