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UFAL,13 mars 2018

 L’art 38 de la loi « société de confiance » aggravé par la droite sénatoriale !

Débat de tous les dangers au Sénat les 13, 14, 15 et 20 mars sur le projet de loi « pour un Etat au service d’une société de confiance ». Son article 38 s’attaque au principe de laïcité comme nous l’avons déjà exposé. Alors que l’Assemblée, en première lecture, avait renoncé à modifier l’art. 19 de la loi de 1905, voilà que la commission des lois du Sénat y revient, et en rajoute !

 Tout pour « renforcer les ressources » des Églises…

Le 30 janvier, en première lecture, l’Assemblée avait abandonné la disposition de l’art. 38-I visant à modifier l’art. 19 de la loi de 1905. Il s’agissait de permettre aux « associations cultuelles »(1) de détenir et gérer des immeubles à objet lucratif (et non plus exclusivement cultuel), pour « renforcer leurs ressources ». Toutefois, elle avait voté le scandaleux 38-II, exemptant les seules associations cultuelles de l’obligation de déclarer leurs actions de lobbying auprès des décideurs publics !

Eh bien, la droite, majoritaire au Sénat, a fait pire en commission spéciale. Elle a :

  • rétabli la disposition l’art. 38-I modifiant l’art. 19 de la loi de 1905 : cadeau aux cultes ;
  • inséré un nouvel art. 38-III protégeant contre toute préemption par une collectivité publique les immeubles acquis par donation entre vifs aux « fondations, congrégations, associations ayant la capacité à recevoir des dons » (dont les associations cultuelles). Ainsi, le patrimoine non cultuel désormais autorisé aux Eglises par le 38-I sera mis à l’abri de l’intérêt public !

Notons que les sénateurs des groupes Socialistes et républicains, et RDSE (ex-PRG) ont déposé, évidemment sans succès, des amendements de suppression, de modification ou de rejet partiel(2).

Mais il y a encore mieux !

 Les élus locaux contre la loi sur la transparence et la lutte contre la corruption

Elargissant le 38-II maintenu, la majorité de la commission spéciale du Sénat a adopté une disposition nouvelle, qui « détricote » la loi sur la transparence et la lutte contre la corruption elle-même. Ainsi, les art. 38-IV et 38-V nouveaux rétrécissent la liste des décideurs publics, auprès desquels les démarches des « représentants d’intérêts » doivent être déclarées(3). Ils en suppriment :

  • du côté des fonctionnaires (manifestement pour afficher une fausse symétrie Etat/collectivités) : les membres de cabinets des autorités territoriales et la quasi-totalité des hauts-fonctionnaires ou décideurs précédemment visés par les obligations de la loi ;
  • du côté des collectivités (le véritable objet poursuivi) : les présidents des grandes collectivités déconcentrées (conseils régionaux, départementaux, assemblées et exécutifs de Corse et d’outre-mer…), les maires de communes de plus de 20 000 habitants ; les adjoints au maire de celles de plus de 100 000 habitants ; les conseillers régionaux, départementaux, exécutifs, etc.

La liste des exemptés est impressionnante, et contient l’essentiel des décideurs publics en matière d’investissements – puisque l’Etat n’est plus qu’un investisseur marginal ! Le lobby des élus locaux n’aime pas la transparence sur les lobbies (principalement économiques) auxquels il ouvre ses portes (avec quelques pots de vins au passage ?). Les « représentants d’intérêt » ont de nouveau de beaux jours devant eux : la corruption pourra rester plus facilement ignorée du public.

Oui, le combat laïque et le combat social ont vraiment partie liée !

Charles ARAMBOUROU

 

Article 38 adopté par la commission spéciale du Sénat 

I. – Après le huitième alinéa de l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « Elles pourront posséder et administrer tout immeuble acquis à titre gratuit. » 

II. – (Non modifié) À la fin du d de l’article 18-2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, les mots : « , dans leurs relations avec le ministre et les services ministériels chargés des cultes » sont supprimés. 

III (nouveau). – Après le 4° de l’article L. 213-1-1 du code de l’urbanisme, il est inséré un 5° ainsi rédigé : « 5° Au profit des fondations, des congrégations, des associations ayant la capacité à recevoir des libéralités et, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, des établissements publics du culte et des associations inscrites de droit local. » 

IV (nouveau). – Les 6° et 7° de l’article 18-2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique sont abrogés. 

V (nouveau). – Le b du 2° du IV de l’article 25 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique est abrogé.

1. C’est-à-dire aux seuls cultes chrétiens et juif.
2. Que faisait le Groupe Communiste, républicains, citoyens et écologistes
3. A la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.