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Dans une tribune publiée par Le Monde le 22 décembre 2022, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, Pap Ndiaye, établit un constat sans complaisance de la situation de l’école. Il est rare qu’un ministre de l’éducation admette que le niveau baisse, même si les résultats des évaluations internationales laissent peu de doutes en la matière.

M.Ndiaye situe la rupture en particulier au moment du passage en sixième.

Il souligne également les graves difficultés rencontrées par les collèges et les lycées professionnels, la crise du recrutement dans l’enseignement, la fuite des classes moyennes et supérieures vers le privé et le creusement des inégalités sociales, et enfin, l’augmentation du nombre des atteintes à la laïcité, tout cela sur fond de défiance grandissante envers l’institution. Autant dire que le bilan est assez accablant.

Pour remédier à la situation, le ministre propose un certain nombre de pistes.

Il a déjà annoncé une augmentation du budget de l’éducation nationale et une revalorisation des carrières avec en contrepartie, une redéfinition des missions de l’enseignant, ce qu’il appelle un « nouveau pacte » L’idée étant de permettre le remplacement de collègues absents pour maladie ou examen, de se former hors du temps de travail, et de mieux « accompagner les élèves ». Autant dire que cette remise en cause du statut actuel sera âprement contestée par les syndicats et ne sera pas forcément perçue comme une amélioration des conditions de travail.

Ce qui passera sans doute mieux est le projet de laisser plus de place à l’initiative et de ne plus imposer systématiquement des décisions venues d’en haut, la question de l’autonomie, même relative, des établissements va sans doute resurgir à cette occasion.

Quant à prendre en compte les inégalités sociales, augmenter le nombre de filles dans les classes scientifiques ou protéger la laïcité, personne ne contestera ces louables intentions mais elles restent souvent un vœu pieu. On attend donc « l’éventail d’actions » annoncé par M. Ndiaye, ainsi que des compléments d’information sur son projet de « mettre à contribution » l’enseignement privé sous contrat en matière d’affectations scolaires afin d’encourager la mixité sociale.

Malgré tout, il est important de souligner la position sans équivoque du ministre qui promet de sanctionner toute atteinte à la laïcité et réitère l’engagement de l’institution à former et soutenir les enseignants.

En tant qu’ancien enseignant, j’ai pu constater que la rémunération insuffisante n’était pas la seule explication du manque d’attractivité de l’enseignement. Je regrette que rien ne soit dit sur les effectifs en classe qui dépassent régulièrement la trentaine d’élèves et rendent les conditions d’enseignement extrêmement difficiles. Les autres tabous concernent les procédures d’orientation, d’appel, et de sanctions, bref tout ce qui fait que les parents des classes moyennes s’estiment justifiés à déserter les établissements publics pour « protéger leurs enfants ». Aussi longtemps que ces questions ne seront pas abordées frontalement et honnêtement tant par le ministère que par les syndicats, la crise de l’éducation à la française risque de se prolonger.

Jean-Pierre Gross
Professeur agrégé