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Dans une époque où nous subissons le matraquage de discours politiques ou religieux, de théories fumeuses assénées comme des vérités indiscutables, il est important que les prises de paroles politiques s’inscrivent dans des cadres clairs et précis. Quelle vision de la société le gouvernement défend-il ?

En matière d’école et de respect des valeurs de la République, de ses animateurs et de ses enseignements, le nouveau ministre de l’Éducation, Gabriel Attal a été clair. Ses mesures sur l’interdiction des tenues servant à affirmer une identité religieuse ont été suivies d’actions sur le terrain avec, comme conséquence, comme le disait Iannis Roeder[1], un nombre de cas qui se présentent actuellement, qui « se comptent sur les doigts d’une main ». Une fois de plus, on constate qu’une action légitime, clairement et fermement annoncée et mise en œuvre, paie…

Mais lorsque quasiment dans le même temps, le Président de la République assiste es-qualité à la messe donnée par le pape, en « tournée pastorale » à Marseille, au mépris de la neutralité que sa fonction lui impose, il donne un signal de compromission et de confusion. Il affaiblit de fait les principes et les lois qu’il est censé protéger et faire respecter.

On ne peut dans le même temps édicter une règle et la transgresser au nom de convictions personnelles. Une loi doit être respectée par tous les citoyens et celle qui impose une stricte neutralité au président de la République dans l’exercice de ses fonctions ne peut souffrir d’exceptions. Ou alors, il faut admettre qu’on aurait le droit de rouler à 200km/h sur l’autoroute quand on est pressé ou encore d’imposer à ses voisins un comportement conforme à sa propre morale religieuse.

En la circonstance, on peut avec Jean-Noël Jeanneney se demander « comment ne pas se persuader que nos compatriotes musulmans, auxquels on impose, à juste titre, une stricte laïcité, éprouveront, ces jours-ci, le sentiment d’une insupportable inégalité de traitement ? »[2]. La confusion des messages envoyés par des déclarations contradictoires, le non-respect de principes par celui qui est censé les renforcer et les traduire en actes, ne peut qu’aboutir à l’affaiblissement généralisé de la loi, et par voie de conséquence à l’État de droit.

Pour appliquer et faire appliquer en toute rigueur les valeurs de la République laïque, c’est de clarté et de cohérence dont nous avons besoin et c’est ce que nous demanderons toujours aux politiques qui nous gouvernent ou nous représentent.

Martine Cerf

[1] Directeur de l’Observatoire de l’éducation à la fondation Jean-Jaurès et professeur d’histoire-géographie à Saint-Denis (93)

[2] Tribune parue dans le Monde du 21 septembre 2023