Il faut attendre quatre siècles pour qu’un tel texte concerne le Royaume de France, avec le Concordat de Bologne de 1516. Mais revenons quelque peu en arrière. Il nous faut rapidement rappeler les principaux aspects de l’histoire de l’Église catholique et de celle du Royaume de France au cours des quatre premiers siècles du deuxième millénaire.
L’Église, au XIe siècle, se dote d’une véritable structure hiérarchique. Jusque-là, les évêques jouissaient d’une grande autonomie, des conciles régionaux définissaient, rituels et pratiques. Les souverains, seigneurs locaux mais aussi rois et empereurs, étaient souvent maîtres des nominations de ces prélats (même si le principe de l’élection des évêques par « le peuple », plus précisément les chanoines de la cathédrale, subsistait, au moins de manière formelle). Avec la Réforme grégorienne, la hiérarchie descendante pape, archevêque, évêque, curé, s’impose peu à peu.
La Papauté se heurte alors à la principale puissance politique de l’époque, le Saint Empire Romain Germanique. C’est la fameuse Querelle des Investitures, investitures des évêques revendiquées par les deux protagonistes. Elle se conclut par le Concordat de Worms, cité plus haut.
Avec les Capétiens (Hugues Capet en 987), se constitue le Royaume de France (Philippe Auguste, au début du XIIIe siècle, sera le premier à porter le titre de roi de France – Avant lui, il n’y a que des rois des Francs). Il lui faudra plusieurs siècles pour prendre possession progressive d’un territoire proche de celui de notre nation actuelle, et jouer un rôle de premier plan en Europe occidentale.
Les évêques, les abbés des ordres monastiques, les curés les plus importants, ne manquent pas de ressource financière… Le roi et le pape souhaitent tous deux en prélever une part… Le conflit sous Philippe le Bel (roi de 1285 à 1314) voit le succès du roi : l’assemblée des évêques de France vote une contribution à la Couronne, les papes s’installent sous contrôle royal à Avignon… C’est le début de ce qu’on appelle le gallicanisme : l’organisation d’une Église « nationale », plus au moins autonome du Vatican et étroitement liée au souverain.
L’affaiblissement du prestige et du pouvoir pontifical conduit à une des plus grandes crises de l’Église en Europe occidentale : le « Grand Schisme » (1378/1417), où l’on voit deux, voire trois personnes se disputer le trône de Saint-Pierre… et surtout les conciles (réunion des évêques et autres prélats de toute l’Église) s’affirmer face au pouvoir du pape, réactiver les procédures d’élection des clercs qui avaient été, peu ou prou, abandonnées.
Dans ce contexte, les papes cherchent des appuis auprès des souverains, rois et empereurs… Les rois de France utilisent cette fragilité de l’Église et modifient leurs alliances en fonction de considérations financières et diplomatiques sur la scène européenne. C’est ainsi qu’en 1438, Charles VII promulgue la Pragmatique Sanction de Bourges, texte qui reprend l’essentiel des décisions des conciles, au détriment du pape. Durant quatre décennies, cet acte sera plusieurs fois abandonné puis réactivé, au gré des circonstances.
Au début du XVIe siècle, les rois de France mènent des guerres de conquête en Italie. Le pape (qui siège à nouveau à Rome) est aussi un souverain temporel : il possède les États pontificaux. Il prend part à des coalitions contre François Ier … et subit avec ses alliés une cuisante défaite à Marignan en 1515.
C’est dans ces circonstances qu’est conclu le Concordat de Bologne, l’année suivante. Ce traité est un compromis. D’une part, le roi renonce à soutenir les conciles et l’élection des évêques, abolit définitivement la Pragmatique. D’autre part, le pape accorde au Roi très Chrétien le privilège unique de pouvoir nommer les évêques avant qu’ils n’obtiennent la consécration religieuse.
Durant près de trois siècles, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, ce Concordat sera le socle de l’union du trône et de l’autel dans le Royaume. Le roi soutiendra l’Église contre les hérétiques (Réforme protestante) et les déviants (jansénistes) et tous ceux qui mettent en cause le dogme ou l’autorité morale de l’institution.