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 Le magazine Marianne a publié un entretien avec Jean-Eric Schoettl qui vient de démissionner du Conseil des Sages de la Laïcité

En voici un bref compte-rendu:

Le 11 avril 2023, le Ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse de France, Pap Ndiaye, a annoncé la nomination de cinq nouveaux membres au CSL et promulgué un arrêté modifiant le fonctionnement de ce conseil, créé par Jean-Michel Blanquer pour promouvoir une vision universaliste de la laïcité, inséparable de la tradition républicaine.

Ces nominations ont provoqué la démission du constitutionaliste Jean-Eric Schoettl.

Parmi les nombreuses interrogations que suscite cette réforme, l’une porte en particulier sur la nomination du politologue Alain Policar dont les prises de position en faveur d’une « laïcité à l’anglo-saxonne » posent question avec pour exemple cette formule : « tolérer le port d’un foulard ne veut pas dire l’approuver. »

Il convient de rappeler qu’Alain Policar estime que la politique d’indifférence à la couleur a échoué et qu’il faut désormais mettre en avant les identités raciales parce que la race a des effets discriminants sur les individus. Il dénonce « le fonctionnement intrinsèquement discriminatoire de nos institutions » (autrement dit le « racisme systémique ») et une « République fétichisée, inattentive à la persistance des discriminations. » Des opinions qui trouvent un large écho dans le monde universitaire : une enquête récente de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep), organisme qui dépend du ministère de l’Education nationale, présente la laïcité comme une question « imposée de l’extérieur », qui « fait peser un risque de stigmatisation et de discrimination sur les musulman-e-s, et révèle des inégalités sociales et ethnoraciales plus larges au sein de la société française ».

Sarah El Haïry, secrétaire d’État à la jeunesse et au service national universel, a répondu justement que de tels propos « inversent ce que représente la laïcité : une valeur vouée à protéger ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, qui permet de lutter contre les discriminations liées à la couleur de peau, à l’orientation sexuelle ou au sexe… Le fait que ce rapport mette en avant des discours de victimisation, présage de discriminations futures liées à une confession qui est celle de l’islam, est totalement contre-productif et même extrêmement dangereux ».

La sœur de Samuel Paty a dénoncé la nomination d’Alain Policar et le constitutionnaliste Jean-Eric Schoettl a annoncé sa démission du CSL estimant qu’il lui serait désormais difficile de poursuivre sa mission de préciser la position de l’institution scolaire en matière de laïcité et d’enseignement des faits religieux.

Jean-Eric Schoettl craint que le CSL ne devienne un simple lieu de débats entre membres défendant des visions de la laïcité distinctes, voire opposées. Pour lui, ajouter la lutte contre les discriminations à la sauvegarde de la laïcité, c’est soit « commettre un pléonasme » soit « briser son ressort universaliste (…) par l’obsession de la race et du sexe, par la division de la société entre dominants et dominés ; par la dénonciation du racisme et du sexisme systémiques ; par l’exaltation des identités et sensibilités minoritaires ; par le procès en esclavagisme, machisme et destruction de la planète fait à la nation (réduite à la figure du bourgeois blanc, mâle et hétérosexuel) ; par la déconstruction/réécriture de l’Histoire sous prétexte de rendre justice aux groupes opprimés et d’obtenir de la société expiation et réparation. » Il rappelle que « le principe de laïcité n’a pas été inventé pour empêcher les petites musulmanes de porter un voile à l’école et que les convictions religieuses des élèves ne leur donnent pas le droit de s’opposer à un enseignement. »

Le CSL devra désormais demander la permission du ministre ou de son cabinet, ou attendre d’être saisi par les recteurs.