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Dans les manifestations diverses de la montée des populismes et nationalismes dans les pays de l’Union européenne, la dernière en date, qui devrait nous inquiéter tout particulièrement , est le refus , par un certain nombre de pays, de   ratifier La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, plus connue sous le nom de Convention d’Istambul.

Cette convention est le premier traité européen prenant spécifiquement pour cible les violences faites aux femmes et la violence domestique. Elle repose sur l’idée que, s’agissant d’une forme de violence sexiste exercée sur les femmes parce qu’elles sont des femmes, il incombe aux états de la combattre, de prendre des mesures pour la prévenir, pour protéger les victimes et poursuivre les auteurs.

Dès lors, comment des pays qui ont participé à l’élaboration de cette convention et l’ont signée  refusent-ils soudain de la ratifier (ou, comme la Pologne, menacent-ils de s’en retirer), en contradiction avec la volonté d’égalité entre les femmes et les hommes qu’ils continuent de proclamer ?

C’est maintenant le gouvernement bulgare, pourtant favorable à la ratification, qui vient de la supprimer de l’agenda parlementaire, qui plus est le 7 mars, à la veille de la Journée des droits des femmes, à l’issue d’un véritable happening, envahissant l’espace médiatique et politique local.

Au prétexte d’arguties sur la notion de genre, évoquée dans le texte, et sa traduction en Bulgare, la convention a été accusée de promouvoir une indifférenciation des sexes, voire un « 3e genre » (sic) et d’engager la déliquescence de la société bulgare.

Premiers à sonner la charge : « L’Union des Patriotes » alliance de partis ultra nationalistes et populistes, a menacé de quitter la coalisation gouvernementale si la Convention, considérée comme une machine de guerre visant à détruire les valeurs traditionnelles du pays, était ratifiée.

L’Église orthodoxe de Bulgarie, emboîtant le pas, a multiplié les interventions publiques, et, dans la foulée d’ un communiqué aux relents ouvertement sexistes et homophobes, a réclamé l’excommunication des députés qui s‘exprimeraient en faveur de la ratification.

« L’utilisation du terme « genre » et ses dérivés poursuivent des buts différents de ceux qui sont proclamés, à savoir la défense de la femme contre la violence. Ces termes sont utilisés pour faire de la politique de l’État une idéologie qui nie que l’être humain existe comme homme ou femme. »

Le Grand Mufti de Bulgarie pour ne pas être en reste, a condamné la Convention comme étant « un instrument de déstabilisation de la famille », sans pertinence sur la situation des femmes qui sont « traitées par les musulmans bulgares, selon les prescriptions du prophète, sans violence et avec respect »

Le Parti Socialiste Bulgare, tournant le dos à une longue tradition d’engagement pour les droits des femmes s’est joint au concert des « anti genre » refusant toute éducation sexuelle ou combattant les stéréotypes de genre.

La palme de l’inanité revenant au président Rumen Radev déclarant qu’il « ne servait à rien de signer le Traité puisque la violence existait toujours dans les pays qui l’avaient signé. », sans pour autant préciser si, selon cette même logique, il allait cesser de poursuivre tous les crimes et délits qui perduraient malgré les lois qui les répriment……

Cette volteface du gouvernement bulgare, cédant à la pression d’une opinion hystérisée par les forces religieuses et politiques les plus obscurantistes, réactionnaires et misogynes du Pays, unies dans un improbable attelage de circonstance, est un très mauvais signal à un moment où la Bulgarie vient de prendre la Présidence de l’UE et, à ce titre, pèse sur le processus de ratification de la Convention d’Istamboul, par l’Union européenne.

Tout ce désordre nous rappelle, s’il en était besoin, que l’intervention des Églises dans le débat législatif est toujours source de régression, pour les droits des femmes en premier lieu.

Enfin, la multiplication, en Europe et tout particulièrement dans les pays de l’ECOBB , de coalitions identitaires hétéroclites, menant des campagnes de désinformation et créant des foyers de déstabilisation au sein de l’Union européenne, ne peut qu’accréditer l’idée que ces désordres ne sont ni spontanés ni fortuits.

Laure Caille