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Aucune intention d’élaborer pour vous une revue de presse du premier trimestre 2018; simplement le besoin d’analyser à grands traits deux événements politiques récents: l’un littéraire avec la sortie du livre de Marlène Schiappa « Laïcité, point ! », l’autre le discours de Bastia du Président Macron en Corse.

Le livre de Marlène Schiappa

Pourquoi lier ces deux actualités? Elles illustrent à mon sens ce qui, dans le positionnement et l’action gouvernementale, doit être souligné pour donner un peu d’optimisme aux défenseurs de la laïcité en tant que «socle de la République». Marlène Schiappa secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes développe dans un opuscule dense paru en janvier une conception exigeante et éminemment politique de la laïcité. Elle y défend notamment la laïcité comme condition de l’exercice des droits des femmes. Aucune révélation à attendre, ce qui est bien compréhensible puisque la laïcité « c’est le principe selon lequel l’État affirme la préséance de la raison, de la science, de la recherche de la vérité, sur l’obscurantisme». Mais des rappels concrets qui parlent à tous. Par exemple dit-elle « les institutions religieuses ne doivent pas décider si en tant que femme j’ai le droit d’avorter, de divorcer, de manger, d’aimer et de travailler » parce que dans notre République laïque les lois sont supérieures pour l’État aux lois d’un Dieu et que «les institutions religieuses ne doivent obliger aucune femme, nulle part, jamais à rien.» Rappel est fait, à titre d’exemple que, pour la République, seul le mariage civil est reconnu et que les règles de divorce sont les mêmes pour les femmes et les hommes contrairement à certains textes religieux. Au-delà, elle passe au tamis de sa réflexion les exigences et les objectifs de l’école républicaine, des services publics ou soutient, plus avant dans son texte la liberté de caricaturer, de blasphémer. Elle réaffirme avec force que dans l’espace des lois de notre République la liberté de conscience est absolue et que de très nombreux tabous peuvent être librement dépassés. Elle insiste par ailleurs sur le fait que la laïcité doit être conçue comme le bien commun d’une nation unique et d’un peuple unique. C’est en symbiose avec cette affirmation qu’on mesure la détermination de l’action gouvernementale en Corse.

Le discours du Président en Corse

A cet égard le discours du Président Macron le mercredi 7 février sur l’avenir de la Corse est conforme aux vœux du plus grand nombre de laïques. Il est éminemment Républicain. LA ligne politique formulée consiste à donner un avenir économique et politique à l’Ile à laquelle le Chef de l’ État promet «l’ordre républicain », écarte dans cette logique l’amnistie des crimes contre l’État, ferme la porte à la co-officialité de la langue corse et au statut spécifique de résident. Dans le même temps, l’engagement de reconnaitre nominativement la Corse et de l’inclure dans une refonte de l’article 72 de la constitution me semble parfaitement justifié au même titre que la valorisation de cette région insulaire dans les politiques propres à la méditerranée. A titre anecdotique, je trouve puérile et non conforme à l’éthique républicaine l’attitude de Gilles Siméoni président du Conseil Exécutif de Corse de ne pas participer au déjeuner organisé en l’honneur de la venue du Président de la République. Il est un temps où par exemple en Aveyron, un territoire que je connais bien, autour des années 80, lorsque le Président Giscard d’Estaing venait exposer sa volonté d’étendre le camp militaire du Larzac, perspective terriblement contestée, les élus d’ opposition marquèrent leur désaccord en participant au déjeuner présidentiel… mais en retournant leur assiette !

Alors, ou bien en Corse la gestuelle républicaine a évolué, ou bien la goujaterie républicaine mine notre vivre ensemble. Dans ce contexte, ne serait-il pas utile de rappeler une fois encore que la République laïque dans l’idéal reconnait les droits et revendications émanant d’individus citoyens et non de communautés ethniques, religieuses ou territoriales ? L’égalité républicaine n’interdit elle pas toute inégalité issue de race, de religion de sexe sur un territoire constitutionnellement « indivisible » ? Un livre et une parole sont là pour rappeler ces évidences.

Bernard FERRAND